La Loi sur les normes du travail Chapitre V - Les recours (Art. 98 à 135)
Chapitre V - Les recours (Art. 98 à 135)
Section II - Recours en cas de harcèlement psychologique (Art. 123.6 à 123.16)
Article 123.16
Lésion professionnelle
Les paragraphes 2o, 4o et 6o de l’article 123.15 ne s’appliquent pas pour une période au cours de laquelle le salarié est victime d’une lésion professionnelle, au sens de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (chapitre A-3.001), qui résulte du harcèlement psychologique.
Lorsque le Tribunal administratif du travail estime probable, en application de l’article 123.15, que le harcèlement psychologique ait entraîné chez le salarié une lésion professionnelle, il réserve sa décision au regard des paragraphes 2o, 4o et 6o.
2002, c. 80, a. 68; 2015, c. 15, a. 237.
- Interprétation
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Le Tribunal administratif du travail saisie d’une plainte doit rendre une décision sur l’existence ou non d’un harcèlement au travail. Lorsqu’elle constate que l’employeur a fait défaut de respecter ses obligations, elle doit rendre une décision motivée à cet effet, selon les remèdes prévus à l’article 123.15 LNT.
Il est possible qu’un salarié ait présenté une réclamation en vertu de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (L.R.Q., c. A-3.001) pour déterminer si le harcèlement psychologique dont il est victime peut constituer une lésion professionnelle.
Dans ce cas, si le Tribunal administratif du travail estime probable qu’une décision rendue par l’organisme compétent établisse qu’il s’agit d’une telle lésion professionnelle, il devra réserver sa décision quant aux seules ordonnances prévues aux paragraphes 2°, 4° et 6° de l’article 123.15 LNT. Ces ordonnances portent sur l’indemnité relative au salaire perdu, sur les dommages et intérêts punitifs et moraux ainsi que sur le financement du soutien psychologique requis pour le salarié.
Par conséquent, le Tribunal administratif du travail devra rendre une ordonnance qui visera notamment les paragraphes 1°, 3°, 5° et 7° de l’article 123.15 LNT, ainsi que toute autre décision qui lui paraît juste et raisonnable compte tenu des circonstances de l’affaire. Ce faisant, le législateur a voulu que le salarié ne soit pas privé de l’indemnisation à laquelle il aurait par ailleurs droit en vertu de la Loi sur les normes du travail.
Il faut cependant noter que l’opinion du Tribunal administratif du travail, quant à la probabilité de l’existence d’une lésion professionnelle, ne saurait lier la Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail - Division de la santé et de la sécurité du travail, ni le Tribunal administratif du travail, qui ont le pouvoir exclusif* de qualifier une lésion professionnelle en vertu de leurs dispositions législatives habilitantes.
Par ailleurs, si la lésion professionnelle a été reconnue par un organisme habilité susmentionné, le Tribunal administratif du travail ne pourra rendre d’ordonnance quant aux matières énumérées aux paragraphes 2°, 4° et 6° de l’article 123.15 LNT.
* Les articles 349 et 369 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (L.R.Q., c. A-3.001) traitent respectivement des pouvoirs exclusifs de la Commission de la santé et de la sécurité du travail et de la Commission des lésions professionnelles.
* L’article 349 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (L.R.Q., c. A-3.001) traite des pouvoirs exclusifs de la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail.
- Jurisprudence
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Goulet c. Coopérative de services à domicile Beauce-Nord, D.T.E. 2012T-252 (C.R.T.)
Le plaignant a déposé une plainte en matière de harcèlement psychologique et une plainte de lésion professionnelle qui a été refusée à la CSST et à la CLP. À l’audience devant la CRT , l’employeur invoque l’exception de la chose jugée. Le juge administratif rejette cet argument car il invoque que la CLP doit décider non pas s’il y a eu harcèlement psychologique, mais plutôt s’il y a eu un accident de travail qui a entraîné une lésion professionnelle. La CRT et la CLP ont des compétences distinctes et exclusives. Ce n’est qu’au regard de l’indemnisation que la CLP est concernée.
Pour déterminer s’il y a chose jugée, le juge applique le test de la triple identité (parties, cause et objet). Tout d’abord, il soutient que l’identité des parties n’est généralement pas contestée. Pour l’identité d’objet, il mentionne que dans le cas de harcèlement psychologique et de lésion professionnelle, il s’agit de compétences complémentaires avec des remèdes recherchés qui sont distincts. Enfin, pour ce qui est de l’identité de cause, le juge soutient que la LAT MP confère des droits sans égard à la responsabilité, alors que la LNT impose des obligations à l’employeur qui doit prendre des moyens raisonnables pour assurer un milieu de travail exempt de harcèlement. La CLP n’a pas à déclarer qu’il y a eu du harcèlement. Cette tâche appartient à la CRT . La substance des dispositions diffère en ce que les principes juridiques applicables ne sont pas les mêmes et les effets qu’ils produisent sur les droits et obligations des parties sont tout à fait différents. Le juge termine en soulignant qu’une saine administration de la justice doit aussi être considérée.
Calcuttawala c. Conseil du Québec – Unite Here, [2006] R.J.D.T. 1472 (C.R.T.)
Voir au même effet : Cadieux c. Dollarama S.E.C., D.T.E. 2008T-916 (C.R.T.)
Même s'il est reconnu qu'un salarié a subi une lésion professionnelle, la Commission des relations du travail a compétence, en vertu de l'article 123,16 LNT, pour décider de l'existence de harcèlement psychologique et du respect des obligations de l'employeur, de même que pour rendre une décision juste et raisonnable en vertu des dispositions de la Loi sur les normes du travail. Elle peut également déterminer les mesures de réparations en dehors de la période où le salarié est victime d'une lésion professionnelle.
Clavet c. Commission des relations du travail et Manoir Archer, [2007] R.J.D.T. 1442 (C.S.) Ha c. Hôpital chinois de Montréal, [2007] R.J.D.T. 1023 (C.R.T.)
Le mandat de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST) est de déterminer s’il y a existence ou non d’une lésion professionnelle occasionnée par le travail. Le mandat de la Commission des relations du travail (CRT ) est de déterminer si le plaignant a été victime d’une conduite vexatoire et de s’assurer que l’employeur respecte ses obligations. Ce n’est qu’au regard des remèdes que la CRT doit tenir compte de l’indemnisation versée en application de la Loi sur les accidents du travail et des maladies professionnelles.
Cadieux c. Dollarama S.E.C., D.T.E. 2008T-916 (C.R.T.)
La transaction intervenue entre les parties visait uniquement les plaintes en vertu de l’article 32 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, on n’y mentionne pas la plainte selon l’article 123.6 LNT. En outre, la question du harcèlement psychologique demeure entière puisqu’elle n’a pas été tranchée par un tribunal judiciaire ou quasi judiciaire.
Morin Arpin c. Ovide Morin inc., [2008] R.J.D.T. 1572 (C.R.T.). Requête en révision accueillie en partie (C.R.T., 2009-02-23), [2009] R.J.D.T. 266
En vertu des articles 123.15 paragraphe 4 et 123.16 LNT, la Commission des relations du travail peut accorder des dommages-intérêts relativement à des événements survenus au cours d’une période qui n’était pas visée par une réclamation à la CSST.
Par ailleurs, le tribunal accorde 2 500 $ en dommages punitifs.