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La Loi sur les normes du travail Chapitre V - Les recours (Art. 98 à 135)

Chapitre V - Les recours (Art. 98 à 135)

Section I - Les recours civils (Art. 98 à 121)

Article 102

Plainte

Sous réserve des articles 123 et 123.1, une personne salariée qui croit avoir été victime d'une atteinte à un droit conféré par la présente loi ou un règlement peut adresser, par écrit, une plainte à la Commission. Une telle plainte peut aussi être adressée, pour le compte d'une personne salariée qui y consent par écrit, par un organisme sans but lucratif de défense des droits des personnes salariées.

Salarié lié à une convention collective ou à un décret

Si une personne salariée est assujettie à une convention collective ou à un décret, le plaignant doit alors démontrer à la Commission qu'il a épuisé les recours découlant de cette convention ou de ce décret, sauf lorsque la plainte porte sur une condition de travail interdite par l'article 87.1; dans ce dernier cas, le plaignant doit plutôt démontrer à la Commission qu'il n'a pas utilisé ces recours ou que, les ayant utilisés, il s'en est désisté avant qu'une décision finale n'ait été rendue.

1979, c. 45, a. 102; 1982, c. 12, a. 4; 1990, c. 73, a. 45; 1999, c. 85, a. 3; 2022, c. 22 a.175.

Interprétation

Un salarié peut adresser, par écrit, une plainte à la Commission. Un organisme sans but lucratif de défense des droits des salariés (un syndicat, par exemple) peut aussi adresser, par écrit, une plainte à la Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail pour le compte d’un salarié qui y consent par écrit.

S’il est assujetti à une convention collective ou à un décret, le salarié doit alors démontrer qu’il a épuisé les recours découlant de cette convention ou de ce décret, c’est-à-dire qu’une décision finale concernant ce recours a été rendue. La décision finale ou sans appel est celle qui est qualifiée comme telle dans une loi.
 
La Cour d’appel dans la décision Campeau Corporation (voir la section Jurisprudence, sous l’art. 102) a fixé trois conditions à l’exigence préalable d’épuisement des recours :

  1. qu’une convention collective soit en vigueur au moment où le salarié exerce son recours ;
  2. que cette convention contienne des dispositions équivalentes en nature à celles prévues à la Loi sur les normes du travail ;
  3. qu’elle contienne également un mécanisme approprié et efficace pour faire valoir et adjuger de la violation du droit conféré par ces dispositions.


Si l’une de ces trois conditions est absente, le salarié n’a pas à épuiser de recours, puisque ou bien le recours n’existe pas, ou bien le salarié ne peut faire valoir des droits qui ne sont pas stipulés à la convention collective.

La Cour d’appel précise dans l’affaire Côté c. Saiano (voir la section Jurisprudence, sous l’art. 102) que les tribunaux civils se déclarent incompétents à entendre les litiges qui, dans leur essence, sont liés au travail et pour lesquels la procédure d’arbitrage a été ou aurait pu être utilisée.

De plus, la disposition de la convention collective doit porter directement sur une norme visée par la Loi sur les normes du travail et, par voie de grief, donner ouverture au recours approprié. Par exemple, l’avis de cessation d’emploi prévu par la Loi sur les normes du travail ne pourrait être échangé ou compensé par un autre avantage conféré par la convention collective, tel que l’ancienneté, le droit de rappel ou une prime de séparation.

Le salarié a donc l’obligation d’épuiser ses recours (grief) lorsque la convention collective contient des dispositions équivalentes ou supérieures à celles prévues par la loi.

Par ailleurs, si une convention collective contient une clause ayant pour effet de remplacer une disposition de la convention qui irait à l’encontre d’une loi par le texte de la loi elle-même, le recours approprié serait le grief. Il en est de même lorsque la convention est modifiée par un renvoi à la Loi sur les normes du travail (Commission des normes du travail c. Les Chantiers Davie ltée).

Lorsque l’article 87.1 LNT (disparités de traitement) est allégué au soutien d’une plainte, le salarié n’a pas à épuiser les recours découlant de sa convention collective ou de son décret. Il doit plutôt démontrer à la Commission qu’il n’a pas utilisé ces recours ou que, s’il les a utilisés, il s’en est désisté avant qu’une décision finale n’ait été rendue.

Les dispositions de l’article 102 ne s’appliquent que dans le cadre d’une réclamation de nature pécuniaire. Cette disposition n’aurait pas d’incidence sur une plainte déposée selon les dispositions relatives aux pratiques interdites (art. 123 et 123.1 LNT). Le salarié qui veut se plaindre d’une telle pratique peut et doit déposer sa plainte auprès de la Commission, nonobstant toute autre procédure de réparation.

Jurisprudence

Commission des normes du travail c. Cie minière I.O.C., [1987] R.J.Q. 1359 (C.S.). Appel accueilli en partie avec dissidence (C.A., 1995-03-10), 200-09-000290-871, D.T.E. 95T-397(C.A.)

Le mot « recours » utilisé à l’article 102 fait référence à une demande de même nature que le droit prévu à la Loi sur les normes du travail.

Commission des normes du travail c. Campeau Corporation, [1989] R.J.Q. 2108 (C.A.). Requête pour autorisation de pourvoi à la Cour suprême rejetée (C.S. Can., 1989-12-21), 21639
Commission des normes du travail c. Domtar inc., [1989] R.J.Q. 2130 (C.A.)
Lecavalier c. Montréal (Ville de), D.T.E. 97T-460 (T.T.)

L’article 102 LNT vise uniquement les recours de nature pécuniaire (recours civils).

Weber c. Ontario Hydro, [1995] 2 R.C.S. 929
Nouveau-Brunswick c. O’Leary, [1995] 2 R.C.S. 967

Un tribunal d’arbitrage a l’exclusivité pour entendre tous les litiges découlant d’une convention collective.

Côté c. Saiano, [1998] R.J.D.T. 1051, 1055
Parry Sound (District), Conseil d’administration des services sociaux c. SEEFPO, section locale 324, [2003] 2 R.C.S. 157

Les lois sur les droits de la personne et les autres lois sur l’emploi fixent un minimum auquel l’employeur et le syndicat ne peuvent pas se soustraire par contrat.

Par conséquent, les arbitres des griefs ont le pouvoir mais aussi la responsabilité de mettre en œuvre et de faire respecter les droits et obligations substantiels prévus par les lois sur les droits de la personne et par les autres lois sur l’emploi comme s’ils faisaient partie de la convention collective.

Provigo Québec inc. c. Syndicat des travailleuses et travailleurs de Provigo, entrepôt Armand-Viau, D.T.E. 2014T-413 (T.A.).
Requête pour autorisation de pourvoi à la Cour suprême rejetée (C.S. Can., 2015-02-19), 36024

Un licenciement collectif survient après que l’employeur eut déclenché un lock-out, au moment où la convention collective est échue. La Cour d’appel confirme la compétence du tribunal d’arbitrage pour entendre et déterminer la réclamation des indemnités de licenciement prévues à la convention collective et par la LNT (84.0.3 et 84.0.4) La Cour d’appel souligne que deux courants s’opposent sur l’interprétation à donner relativement à la compétence de l’arbitre d’entendre un grief déposé après l’expiration d’une convention collective alors qu’il y a exercice du droit de lock-out. La Cour d’appel retourne le dossier à l’arbitre afin qu’il décide si les salariés ont droit aux indemnités de licenciement pendant un lock-out.

Syndicat des salariées et salariés de la Fédération régionale de l’UPA de Saint-Jean-Valleyfield c. Fédération régionale de l’UPA de Saint-Jean-Valleyfield, [2005] R.J.D.T 1374 (T.A.)

Les droits et obligations substantiels des lois relatives au travail sont inclus dans les conventions collectives et un litige découlant d’une violation à ceux-ci doit être pris par voie de grief.

Par contre, les recours et procédures prévus par ces lois n’y sont pas automatiquement inclus.

Lafontaine c. Imperial Tobacco Canada ltée, D.T.E. 2005T-670 (C.S.)

Dans le cas de salariés syndiqués, l’arbitre de grief a compétence complète et totale en matière de lien d’emploi et de rupture du lien d’emploi. C’est donc ce dernier et lui seul qui a compétence si un litige survient à la suite d’un congédiement.

Commission des normes du travail c. Montréal (Ville de), C.S. Montréal, n°500-17-012791-029,11 juillet 2002, j. Tessier

En conformité avec les affaires Weber et O’Reilly de la Cour suprême, le recours des salariés syndiqués en salaire et temps supplémentaire ne peut se faire par voie de recours civils, mais bien plutôt par griefs. La lettre du syndicat indiquant aux salariés qu’il n’avait pas l’intention de déposer de griefs à leur égard ne permet pas d’établir qu’il y a eu épuisement des recours au sens de l’article 102 LNT.