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La Loi sur les normes du travail Chapitre IV - Les normes du travail (Art. 39.1 à 97)

Chapitre IV - Les normes du travail (Art. 39.1 à 97)

Section VII.1 - Disparités de traitement (Art. 87.1 à 87.3)

Article 87.1

Interdiction

Une convention ou un décret ne peuvent avoir pour effet d'accorder à un salarié visé par une norme du travail, uniquement en fonction de sa date d'embauche et au regard d'une matière sur laquelle porte cette norme prévue aux sections I à V.1, VI et VII du présent chapitre, une condition de travail moins avantageuse que celle accordée à d'autres salariés qui effectuent les mêmes tâches dans le même établissement.

Il en est de même au regard d’une matière correspondant à l’une de celles visées par le premier alinéa lorsqu’une norme du travail portant sur cette matière a été fixée par règlement.

Est également interdite une distinction fondée uniquement sur une date d’embauche, relativement à des régimes de retraite ou à d’autres avantages sociaux, qui affecte des salariés effectuant les mêmes tâches dans le même établissement.

1999, c. 85, a. 2; 2002, c. 80, a. 55; 2018, c. 21, a. 35.

Interprétation

La convention et le décret mentionnés sont définis aux paragraphes 4° et 5° de l’article 1 LNT.

Le salarié dont il est question dans cette disposition est celui qui est « visé par une norme du travail ». Il en découle que le salarié exclu du champ d’application de la loi ou non visé par une norme du travail à laquelle renvoie l’article 87.1 LNT est également exclu de l’application de cet article relativement à la matière visée par la norme considérée.

La matière visée aux 2e et 3e alinéas de l’art. 87.1 LNT est celle sur laquelle porte une norme prévue aux sections I à V.I, VI et VII du chapitre IV, soit :

  • le salaire ;
  • la durée du travail ;
  • les jours fériés, chômés et payés ;
  • les congés annuels payés ;
  • les repos ;
  • les absences pour cause de maladie, de don d’organe ou de tissus, d’accident, de violence conjugale, de violence à caractère sexuel ou d’acte criminel ;
  • les absences et les congés pour raisons familiales ou parentales ;
  • l’avis de cessation d’emploi ou de mise à pied et le certificat de travail ;
  • diverses autres normes (ex. : l’uniforme).

Il en est de même pour une norme du travail qui porte sur cette matière et qui est fixée par un règlement pris en application de la Loi sur les normes du travail.

À titre illustratif, les normes relatives à la retraite (sect. VI.1) sont exclues de l’application de l’article 87.1 LNT.

La protection prévue porte sur les matières visées par la Loi sur les normes du travail. Par conséquent, des conditions de travail différentes qui touchent une matière non prévue par la loi ne sauraient être considérées comme des disparités de traitement interdites.

Rappelons que la condition de travail dont il est question aux 2e et 3e alinéas de l’art. 87.1 LNT est celle qui porte exclusivement sur une matière visée par les types de normes mentionnés ci-dessus. Ainsi, lorsqu’il s’agit d’une matière visée, la condition de travail dont se plaindrait le salarié devrait être comparée non pas à ce que prévoit la loi, mais à la condition de travail plus avantageuse dont bénéficierait un autre salarié effectuant les mêmes tâches dans le même établissement.

Par exemple, un salarié a droit en vertu de la Loi sur les normes du travail à une indemnité de congé annuel équivalant à 4 % de son salaire brut annuel. Dans les faits, selon les conditions de travail applicables aux salariés embauchés dans le même établissement et effectuant les mêmes tâches, les salariés embauchés avant une date X reçoivent une indemnité de congé annuel égale à 8 %, alors que pour ceux embauchés après cette date X, l’indemnité est égale à 6 %. Le salarié ci-dessus fait partie du second groupe et devrait recevoir une indemnité égale à 6 %. Il pourrait donc déposer une plainte en vertu de l’article 87.1 LNT afin de réclamer la différence de 2 %, alléguant qu’on lui accorde une condition de travail moins avantageuse que celle accordée aux autres salariés, et ce, uniquement en raison de sa date d’embauche.

Ce principe découlant de l’article 87.1 LNT ne s’applique qu’en matière de disparités de traitement interdites et la réclamation qui en résulte s’appuie non pas sur les dispositions de l’article 99 de la loi, mais bien sur celles des articles 87.1 et suivants de la section VII.I.

Depuis le 12 juin 2018, les régimes de retraite ainsi que les autres avantages sociaux du salarié sont désormais compris dans la protection offerte par l’article 87.1 LNT. Relativement aux matières susmentionnées, il est interdit de faire une distinction fondée uniquement sur la date d’embauche qui affecte des salariés effectuant les mêmes tâches dans le même établissement. Toutefois, par l’application de l’article 53 de la Loi modifiant la Loi sur les normes du travail et d’autres dispositions législatives afin principalement de faciliter la conciliation famille-travail (2018, c. 21), l’interdiction ne s’applique pas pour les distinctions liées aux régimes de retraite et aux autres avantages sociaux qui existaient le 11 juin 2018.

C’est avec les autres « salariés effectuant les mêmes tâches dans le même établissement » que la comparaison doit être effectuée. L’établissement est le lieu physique où le travail est accompli.

Les disparités de traitement auxquelles renvoie cette disposition sont interdites lorsqu’elles reposent uniquement sur la date d’embauche.

Jurisprudence

Commission des normes du travail c. Ville de Sherbrooke, [2011] R.J.D.T. 26 (C.A.). Requête pour autorisation de pourvoi à la Cour suprême rejetée, 2011-09-08 (C.S. Can.), 34218

Une lettre d’entente incluse dans la convention collective prévoyait que les pompiers ayant une certaine ancienneté voyaient leur salaire haussé de 3 % afin de compenser la réduction des nombreuses heures supplémentaires qu’ils avaient l’habitude de faire. La Ville a décidé d’embaucher du personnel temporaire pour combler ses heures de travail en surplus. Toutefois, cette rémunération par prime n’était pas accessible pour les nouveaux pompiers embauchés.

Le juge en arrive à la conclusion que cette situation contrevient à l’article 87.1 LNT et crée une disparité de traitement.

Voir l’application de cette décision dans :

Syndicat des pompiers du Québec, section locale Sherbrooke (SPQ-FTQ) c. Sherbrooke (Ville de), D.T.E. 2013T-515 (T.A.)
Commission des normes du travail c. Progistix-Solutions inc., [2008] R.J.D.T. 727 (C.Q.). Appel rejeté, [2009] R.J.D.T. 1103 (C.A.)

La convention collective entrée en vigueur en 2002 comprend trois catégoriesd’échelles salariales au lieu de quatre. L’employeur, afin de réduire ses coûts demain-d’oeuvre, a aboli une catégorie qui a eu pour résultat que les travailleurs de la catégorie PAM IV ont été renommés dans la catégorie PAM II, ceux de PAM II se sont donc trouvés dans la catégorie PAM II tandis que ces derniers ont gardé le même statut.

Il est établi que certains travailleurs de la catégorie PAM II, ceux qui faisaient déjà partie de ce groupe, font le même travail que leurs collègues arrivés du groupe PAM II mais reçoivent un salaire inférieur. La disparité qui existe dans cette catégorie est uniquement en fonction de la date d’embauche.

Métallurgistes unis d’Amérique, section locale 9414 c. Emballage St-Jean ltée, D.T.E. 2004T-449 (T.A.)

L’obligation d’être disponible au-delà d’un horaire normal de travail, applicable uniquement aux salariés embauchés après une date déterminée, renvoie directement à la notion de durée du travail et constitue une disparité de traitement au sens de l’article 87.1 LNT.

Syndicat national de l’industrie de la chaux de Lime Ridge (CSD) c. Graymont (Québec) inc. (usine de Marbleton), [2003] R.J.D.T. 910 (T.A.)

Une prime de fidélité payable une fois par année à certains salariés désignés, bien qu’ayant une valeur pécuniaire, ne constitue pas une matière visée au sens de l’article 87.1 LNT.

La Compagnie de la Baie d’Hudson c. l’Union des salariés du transport local et industries diverses, section locale 931 (I.B.T), [2004] R.J.D.T. 767 (T.A.)

Un escompte à l’achat de certains produits vendus par l’employeur, fixé selon l’ancienneté des salariés, ne constitue pas une matière visée à l’article 87.1 LNT, n’y étant pas spécifiquement mentionné dans la loi.

Québec (Ministre de la Sécurité publique) c. Syndicat des professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec, D.T.E. 2003T-781 (T.A.)

La convention collective prévoit que le taux de salaire n’est plus fixé en fonction du crédit d’expérience pour les salariés embauchés après une certaine date. Bien que la date d’embauche soit un élément déterminant dans la décision de l’employeur de ne pas reconnaître le crédit d’expérience, il n’y a pas eu violation de l’article 87.1 LNT, car la convention collective vise l’ensemble des mouvements de main-d’œuvre et non seulement le recrutement. Elle ne constitue donc pas une condition de travail moins avantageuse uniquement en fonction de la date d’embauche.