La Loi sur les normes du travail Chapitre IV - Les normes du travail (Art. 39.1 à 97)
Chapitre IV - Les normes du travail (Art. 39.1 à 97)
Section VI - L'avis de cessation d'emploi ou de mise à pied et le certificat de travail (Art. 82 à 84)
Article 82.1
Salariés non visés
L'article 82 ne s'applique pas à l'égard d'un salarié :
- qui ne justifie pas de trois mois de service continu;
- dont le contrat pour une durée déterminée ou pour une entreprise déterminée expire;
- qui a commis une faute grave;
- dont la fin du contrat de travail ou la mise à pied résulte d'un cas de force majeure.
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Interprétation
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Les cadres inférieurs et intermédiaires bénéficient de cette disposition (voir l’interprétation du paragraphe 6° de l’article 3 et celle du paragraphe 3° de l’article 54 LNT).
L’article 82 LNT ne s’applique toutefois pas aux salariés suivants :
- le salarié qui ne justifie pas de trois mois de service continu ;
Voir l’interprétation de « service continu » au paragraphe 12° de l’article 1 LNT. - le salarié dont le contrat pour une durée déterminée ou pour une entreprise déterminée expire ;
Contrat à durée déterminée
Le contrat à durée déterminée est celui en vertu duquel l’employé est engagé pour une période fixe, prédéterminée et à la fin de laquelle le contrat expire automatiquement sans que l’employeur soit tenu de le renouveler.
Exemple
Un salarié est engagé pour un remplacement chez l’employeur du 1er mai 2010 au 30 novembre 2011. À cette date, l’employeur qui n’a plus besoin des services du salarié n’a pas à lui donner d’avis en vertu de l’article 82 LNT, puisque les parties ont conclu une entente selon laquelle le contrat expirait le 30 novembre 2011.
Une succession de contrats à durée déterminée peut constituer un seul contrat à durée indéterminée (voir l’interprétation de la notion de « service continu » au paragraphe 12° de l’article 1 LNT). La prestation de travail devient alors continue et les contrats ne sont là que pour préciser les modalités de cette prestation de travail.Selon la jurisprudence, un contrat est présumé à durée indéterminée, sauf preuve du contraire. La partie qui allègue l’existence d’un contrat à durée fixe a le fardeau d’en établir la preuve.
Parmi les éléments qu’il est possible de considérer dans la qualification de la durée de la relation employeur-employé, on a par exemple une absence de formalités à remplir entre chaque renouvellement, le fait que les outils de travail du salarié demeurent chez l’employeur ou que ses effets personnels restent à son poste de travail entre les renouvellements, le fait que le salarié pouvait raisonnablement s’attendre à être rappelé.
Entreprise déterminée
Le salarié engagé pour une entreprise déterminée est celui qui doit à exécuter une tâche précise, un travail spécifique, déterminé. Une fois ce travail terminé, son engagement prend fin. Il pourrait s’agir, par exemple, de l’employé engagé pour l’exécution d’un contrat bien précis que l’employeur a obtenu ou encore de celui qui est engagé pour accomplir une tâche particulière (ex. : la peinture d’un hangar). Dans ces cas, le salarié ne connaît pas nécessairement la durée exacte de son engagement, mais il sait que son contrat prendra fin une fois que le travail pour lequel il a été engagé sera terminé.
Lorsqu’il s’agit d’un contrat à durée déterminée ou pour une entreprise déterminée auquel on met fin avant son expiration, l’article 82 LNT s’applique, puisque l’exception ne vise que les contrats qui expirent.
Exemple
Un employeur embauche un salarié pour une période de deux ans, soit du 1er janvier 2010 au 1er janvier 2012.
Le 1er juin 2011, l’employeur met fin prématurément au contrat sans avis préalable.
Le salarié a droit à une indemnité qui équivaut à deux semaines de salaire.
- le salarié qui a commis une faute grave ;
La faute grave est celle qui est suffisamment sérieuse pour rendre nécessaire la rupture immédiate du lien d’emploi (réf. : jurisprudence). Notons qu’une faute du salarié peut constituer une cause juste et suffisante de congédiement sans pour autant correspondre à la notion de faute grave. Dans un pareil cas, l’avis est dû. - le salarié dont la fin du contrat ou la mise à pied est due à un cas de force majeure ;
Le cas de force majeure est un événement imprévisible auquel il est impossible de résister. La destruction, par un incendie causé par la foudre, de l’établissement de l’employeur serait, par exemple, un cas de force majeure empêchant l’employeur de donner du travail.
Démission
Par ailleurs, l’employeur est également relevé de son obligation de donner l’avis prévu à l’article 82 LNT lorsque le salarié a démissionné. La doctrine et la jurisprudence estiment que l’intention de quitter à jamais son emploi constitue un droit qui appartient au salarié. Il revient à l’employeur d’établir cette démission. Celle-ci doit donc être claire, manifeste, volontaire et non équivoque. La démission ne peut se présumer sauf si la conduite du salarié est incompatible avec une autre interprétation. En cas d’ambiguïté, la jurisprudence refuse généralement de conclure à une démission.
- le salarié qui ne justifie pas de trois mois de service continu ;
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Jurisprudence
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Contrat à durée déterminée ou pour une entreprise déterminée
Domtar inc. c. St-Germain, [1991] R.J.Q. 1271 (C.A.)
Une entente énonçant le salaire auquel aura droit un employé au cours des deux prochaines années ne signifie pas nécessairement qu’il s’agit d’un contrat à durée déterminée. Une distinction doit être faite entre une entente fixant les conditions de l’emploi et une entente relative à la durée de l’emploi.
Commission des normes du travail c. Campeau Corporation, [1989] R.J.Q. 2108 (C.A.). Requête pour autorisation de pourvoi à la Cour suprême rejetée (C.S. Can., 1989-12-21), 21639
Le fardeau de démontrer qu’un contrat de travail est à durée déterminée appartient à la partie qui l’allègue.
Société d’électrolyse et chimie Alcan ltée c. Commission des normes du travail, D.T.E. 95T-448 (C.A.)
L’existence d’un lien juridique employé-employeur ainsi que la succession de prestations de travail par laquelle l’employée offre une disponibilité continue équivalent à un contrat de travail à durée indéterminée.
Commission des normes du travail c. 136860 Canada inc., D.T.E. 93T-1005 (C.Q.)
Une « entreprise déterminée est une entreprise qui est circonscrite dans le temps ». C’est l’emploi qui permet de décider s’il s’agit d’une entreprise déterminée. Une entreprise qui fonctionne depuis 40 ans ne peut pas constituer une entreprise déterminée.
Faute grave
Commission des normes du travail c. 3564762 Canada inc., D.T.E. 2003T-939 (C.Q.)
« […] la notion de faute grave au sens de l’alinéa 3 de l’article 82.1 LNT réfère à une faute d’une gravité ou d’une intensité telle qu’elle ne peut être excusée par les circonstances. »
Commission des normes du travail c. Compagnie T. Eaton ltée, D.T.E. 97T-1281 (C.Q.). Requête pour permission d’appeler rejetée (C.A., 1997-11-07), 200-09-001690-970
Une faute grave est une faute qui nécessite une rupture immédiate du contrat de travail. Un rendement insuffisant ne constitue pas une faute grave au sens de l’article 82.1 LNT. Il appartient à l’employeur de justifier l’absence de préavis.
Commission des normes du travail c. Papineau Performance inc., D.T.E. 2002T-258 (C.Q.)
Commission des normes du travail c. Viandes Séficlo inc., C.Q. Trois-Rivières, no 400-22-006078-089, 27 octobre 2009, j. Mallette
Voir aussi : Gradation des sanctions et progression des sanctions sous l’article 124 LNT.
Il incombe à l’employeur de démontrer que le congédiement sans préavis est justifié. Une faute grave peut être un acte isolé justifiant une rupture immédiate du lien d’emploi ou une série d’actes répétitifs persistants. Toutefois, dans ce dernier cas, il doit y avoir eu progression des sanctions.
Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail c. Construction D.M. Turcotte J.M. inc., 2018 QCCQ 9398
L’employeur ayant mis à pied le salarié pour une durée de plus de 6 mois prétend ne pas avoir à lui donner de préavis et d’indemnité requis par l’article 82 LNT parce qu’il estime que la fin d’emploi découle d’une faute grave qui consiste à contrevenir à son obligation de loyauté envers son employeur, le salarié ayant fondé une entreprise du même type que celle de son employeur. Or, en l’absence de rappel au travail de la part de son employeur, 6 mois après sa mise à pied, le salarié est justifié d’entreprendre toute démarche utile pour gagner sa vie. Ainsi, le Tribunal conclut que la défenderesse n’est pas justifiée de refuser d’indemniser le salarié selon les dispositions de l’article 82 de la LNT. Puisque l’employeur ne donne pas l’avis prévu à l’article 82 et qu’il n’a pas fait la preuve de l’article 82.1 LNT pour combler le fardeau, le Tribunal accorde une indemnité compensatrice au salarié.
Force majeure
Commission des normes du travail c. Campeau Corporation, [1989] R.J.Q. 2108 (C.A.). Requête pour autorisation de pourvoi à la Cour suprême rejetée (C.S. Can., 1989-12-21), 21639
Le fardeau de prouver le cas fortuit incombe à l’employeur.
Commission des normes du travail c. Campeau Corporation [1989] R.J.Q. 2108 (C.A.). Requête pour autorisation de pourvoi à la Cour suprême rejetée (C.S. Can., 1989-12-21), 21639
Le "cas fortuit" « est celui qui se produit au moment où prend effet, par la force des choses, la mise à pied ou le licenciement (par exemple un incendie) et ne vise pas la situation où, comme en l’espèce, la mise à pied résulte au contraire d’une décision arrêtée par l’employeur après considération de ce qu’il prévoit être une impossibilité future, d’une durée indéterminée, de fournir du travail à ses employés. »
Andrews c. Wait, D.T.E. 92-173 (C.Q.)
Une faillite ne constitue pas un cas fortuit.
Commission des normes du travail c. Aliments Lido Capri (1998) inc., D.T.E. 92T-1337 (C.S.)
« Le cas fortuit se reconnaît à l’extériorité, à l’imprévisibilité, à l’irrésistibilité de la situation et à l’impossibilité absolue d’exécution. » La prise de possession des actifs par une institution financière ne respecte pas les critères d’irrésistibilité et d’extériorité voulus.