La Loi sur les normes du travail Chapitre IV - Les normes du travail (Art. 39.1 à 97)
Chapitre IV - Les normes du travail (Art. 39.1 à 97)
Section II - La durée du travail (Art. 52 à 59.0.1)
Article 57
Présomption
Un salarié est réputé au travail dans les cas suivants :
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Interprétation
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Pour chacune des situations décrites aux quatre paragraphes qui le composent, l’article 57 établit une présomption que le salarié « est réputé au travail » (voir l’interprétation de l’article 55 LNT sur les heures supplémentaires). Cette présomption peut être renversée par une preuve de l’employeur. Cette preuve que peut faire l’employeur découle de l’obligation qui lui incombe d’établir le cadre d’exécution du travail relativement à la tâche qu’il demande au salarié de remplir, à la façon de le faire ainsi qu’au temps à consacrer pour le faire. Cette obligation incombe à l’employeur pour chacune des situations décrites aux quatre paragraphes de cet article
- lorsqu’il est à la disposition de son employeur sur les lieux du travail et qu’il est obligé d’attendre qu’on lui donne du travail;
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Interprétation
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Ce paragraphe prévoit trois conditions d’application :
- le salarié doit être à la disposition de son employeur ;
- le salarié doit être sur les lieux du travail ; et
- le salarié doit être obligé d’attendre qu’on lui donne du travail.
Lorsque ces trois conditions sont remplies, le salarié est réputé être au travail. Il s’agit là d’une présomption simple, c’est-à-dire qu’elle peut être renversée par une autre preuve de l’employeur.
Le caractère obligatoire de la disponibilité est un facteur déterminant. La disponibilité volontaire qu’offre un employé à son employeur par souci de professionnalisme ou autre n’entraîne pas l’application de l’article 57 LNT.
Cette disponibilité doit être demandée par l’employeur dans le cadre de l’exécution du travail. Si les conditions d’exécution font en sorte que cette disponibilité est requise bien que l’employeur ne l’ait pas demandée expressément, le salarié pourrait bénéficier du salaire correspondant au temps consacré à l’exécution de sa tâche, sauf le caractère déraisonnable du temps consacré à l’exécution de la tâche qui devrait alors être démontré par l’employeur.
Certains faits peuvent permettre de déceler l’existence de cette obligation imposée au salarié. L’horaire de travail habituel, la nature des activités de l’entreprise, la quantité de travail à exécuter pendant une période donnée sont autant de critères à analyser.
Il s’agit d’évaluer la contrainte imposée par l’employeur au salarié de lui réserver sa disponibilité pendant la période prévue parce qu’il est susceptible d’effectuer le travail requis.
Il importe, en matière de disponibilité, de tenir compte du contexte global entourant une situation donnée. Par exemple, un chauffeur d’autobus engagé pour effectuer un trajet s’échelonnant sur plusieurs jours ne pourrait être considéré comme étant « à la disposition de son employeur » vingt-quatre heures par jour durant la période visée.
Par ailleurs, un salarié engagé pour répondre aux besoins des résidents d’un centre d’hébergement, avec obligation de demeurer sur place pendant un quart de travail déterminé et d’effectuer le travail nécessaire, pourrait être considéré comme étant à la disponibilité de son employeur. Cependant, un salarié muni d’un téléavertisseur et qui est à sa résidence ne pourrait réclamer le paiement de ses heures de disponibilité car il ne se trouve pas sur les lieux du travail.
Dans le cas du concierge d’immeubles à logements, il peut être ardu de déterminer le nombre d’heures qu’il consacre au travail, puisqu’il habite généralement l’immeuble dont il a la responsabilité. Là encore, l’employeur doit indiquer au salarié le cadre du temps nécessaire alloué au travail à effectuer. Cependant, il pourra s’avérer nécessaire d’évaluer le nombre d’heures que le salarié doit consacrer à son travail et le nombre d’heures de disponibilité exigé par l’employeur en tenant compte de différents éléments comme le nombre de logements, la nature de l’immeuble, les différentes tâches à effectuer et leur fréquence, etc.
Il faut toutefois préciser que la disponibilité requise ne peut s’étendre jusqu’aux périodes quotidiennes où le concierge se trouve dans sa résidence et où il peut être dérangé à différentes heures. Au cours de ces périodes, ce n’est que lorsque le salarié est appelé à effectuer des tâches précises et qu’il a noté ou qu’il peut évaluer le temps requis pour les faire que la Commission pourra réclamer le salaire correspondant.
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Jurisprudence
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Syndicat de l’industrie de l’imprimerie de Saint-Hyacinthe c. Imprimeries Trancontinental
inc. (division St-Hyacinthe), D.T.E. 2001T- 406 (T.A.). Décision confirmée par la
Cour supérieure D.T.E. 2001T-987 (C.S.) et par la Cour d’appel D.T.E. 2003T-394 (C.A.)
Commission des normes du travail c. Immeubles R. Savignac inc., [2002] R.J.D.T.
1527 (C.S.)
Commission des normes du travail c. Immeubles R. Savignac inc., [2002] R.J.D.T. 1527 (C.S.)Cet article s’applique au salarié qui est à la disposition de l’employeur, qui est sur les lieux du travail et qui doit attendre qu’on lui donne un travail à exécuter.
Cléroux-Strasbourg c. Gagnon et Lepage, D.T.E. 86T-831 (C.A.)
Il revient à l’employeur de décrire la tâche qu’il confie à son employé et de limiter le nombre d’heures de travail. S’il ne le fait pas, l’employé peut consacrer à la tâche qu’on lui confie le temps nécessaire pour l’accomplir.
Commission des normes du travail c. Comité local de développement de L’Anse-à-Valleau, D.T.E. 2004T-63 (C.Q.)
Les salariés devaient se présenter tous les matins à 8 h 30 pour se préparer pour l’ouverture à 9 h. Ils devaient donc être considérés comme étant au travail dès 8 h 30.
Commission des normes du travail c. Camping Colonie Notre-Dame inc., D.T.E. 2003T-1061 (C.Q.). Requête pour permission d’appeler rejetée (C.A., 2003-11-21), 200-09-004636-038, SOQUIJ AZ-04019519
Un couple a été embauché pour s’occuper d’un terrain de camping. Les salariés demeuraient sur place et devaient se faire remplacer lors d’absences. Le tribunal a déclaré que le couple devait être considéré à la disposition de l’employeur durant les heures d’ouverture du site. Il appartient à l’employeur de circonscrire la tâche et le nombre d’heures de ses salariés.
Commission des normes du travail c. Boulangerie de Mailly inc., D.T.E. 2002T-114 (C.Q.)
Un cuisinier devait être disponible en tout temps, même lors de ses périodes de repas, vu la nature de son travail. Il était donc, à ces périodes, réputé être au travail.
Commission des normes du travail c. Edphy International inc., [2000] R.J.D.T. 191 (C.Q.)
Les salariés sont moniteurs dans une colonie de vacances. Ils devaient être disponibles en tout temps, treize heures par jour, mais n’étaient rémunérés que pour six heures. Les salariés avaient le droit d’être payés pour toutes les heures où ils étaient disponibles.
Commission des normes du travail c. Urgel Bourgie ltée, D.T.E. 96T-1409 (C.S.)
La salariée, hôtesse d’un salon funéraire demeurant au-dessus du salon, et qui est là parce que l’employeur veut s’assurer qu’il y a une personne pour répondre en tout temps à la clientèle, a droit à sa pleine rémunération pour les heures passées sur place.
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- sous réserve de l’article 79, durant le temps consacré aux pauses accordées par l’employeur;
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Interprétation
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Ce paragraphe vise toutes les catégories de pause à l’exclusion de la pause repas prévue à l’article 79 LNT. Cette disposition ne crée aucune obligation pour l’employeur d’accorder à ses employés une pause café. Cependant, lorsqu’il le fait, il doit rémunérer les salariés pour cette période.
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Jurisprudence
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Commission des normes du travail c. Boucher, D.T.E. 2003T-16 (C.Q.)
La salariée devait être disponible au travail de 7 h à 22 h. Durant ces heures, le temps de répit était, en fait et en droit, une période d’attente et de disponibilité. La salariée était donc réputée être au travail.
Plastique Micron inc. c. Blouin, D.T.E. 2003T-389 (C.A.)
Un salarié ne peut être considéré comme étant au travail durant les périodes de repas, lorsqu’il n’est pas obligé de demeurer sur les lieux de travail. De ce fait, l’employeur n’est pas tenu de payer les pauses repas et celles-ci ne comptent pas pour le calcul de la semaine normale de travail.
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- durant le temps d’un déplacement exigé par l’employeur;
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Interprétation
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Depuis le 1er mai 2003, la loi prévoit que le temps des déplacements faits à la demande de l’employeur est réputé être du temps consacré au travail et donne droit à un salaire. Le temps consacré au trajet normal effectué par le salarié, comme pour l’ensemble des salariés au Québec, pour se rendre le matin à son lieu de travail et retourner chez lui à la fin de sa journée n’est pas couvert par ce paragraphe. Toutefois, toute autre situation de déplacement exigée par l’employeur pourrait être considérée. Voir les critères généraux d’interprétation de l’article 57 LNT mentionnés précédemment ainsi que l’interprétation donnée à l’article 85.2 LNT.
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Jurisprudence
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Syndicat national de la sylviculture (SNS-CSN), section Entreprises agricoles et forestières de la Péninsule c. Entreprises agricoles et forestières de la Péninsule inc., AZ-50425169 (T.A). Révision judiciaire rejetée (C.S., 2007-11-05) 110-17-000307-075). Requête pour permission d’appeler rejetée (C.A., 2008-01-23) 200-09-006173-071
« Les employeurs dans la présente affaire n’ont pas d’usine où les salariés doivent se rendre pour exécuter leur prestation de travail. C’est l’employeur qui assigne aux salariés le site sur un territoire forestier où ils vont exécuter leur travail. »
L’article 57 3o LNT s’applique aux salariés, mais leur rémunération pour la partie de leur temps de déplacement qui serait couverte par cet article est comprise dans le taux à l’hectare ou au plant d’arbres stipulé à l’annexe A de la convention collective.
Syndicat national de la sylviculture SNS-CSN c. Aménagement forestier Vertechinc., D.T.E. 2007T-523 (T.A.). Requête en révision judiciaire rejetée (C.S., 2007-10-30), 400-17-001405-071, 2007 QCCS 6829, SOQUIJ AZ-50488546
Durant leur déplacement entre le bureau de l’exploitation de l’entreprise ou un camp forestier et les terrains à aménager, les travailleurs forestiers sont réputés au travail, car ce déplacement est exigé par l’employeur.
Commission des normes du travail c. Hydro-Québec, D.T.E. 2012T-447 (C.Q.)
Le déplacement du salarié, conseiller en sécurité, s’avère nécessaire, puisque l’emploi du salarié ne s’exerce que sur le chantier.
Le déplacement du salarié entre le lieu de rassemblement et le chantier de construction, effectué à bord d’un véhicule de
l’entreprise, n’est pas « exigé par l’employeur » au sens de l’article 57 paragraphe 3 LNT ; il ne s’agit pas de temps travaillé.
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- durant toute période d’essai ou de formation exigée par l’employeur.
- Interprétation
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Ce paragraphe consacre l’interprétation jurisprudentielle selon laquelle le salarié a le droit de recevoir un salaire lorsqu’il est en période d’essai (voir l’interprétation de l’article 40 LNT) ou de formation effectuée à la demande de l’employeur, que ce soit à l’intérieur ou à l’extérieur de l’établissement. Ce temps doit être considéré comme du temps travaillé. La loi ne permet donc pas d’imposer comme condition d’embauche une période pendant laquelle l’acceptation du travail gratuit est forcée ou imposée par l’employeur (voir l’interprétation de l’article 85.2 LNT).
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Jurisprudence
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Fraternité des policiers et policières de la Ville de Saguenay inc. c. Saguenay (Ville de), D.T.E. 2004T-713 (T.A.)
Lorsque le salarié doit, lors d’une période de formation et dans le cadre de celle-ci, étudier et exécuter des travaux obligatoires, il est réputé être au travail. Par conséquent, l’employeur doit payer pour ces heures.
Fraternité des policiers(ères) de la MRC des collines-de-l’Outaouais c. MRC des collines-de-l’Outaouais, [2010] R.J.D.T. 419 (C.A.)
Au même effet : Fraternité des policiers de Mirabel inc. c. Ville de Mirabel, 2018 QCTA 223Un policier réclame le temps consacré à l’étude et aux travaux scolaires à l’occasion d’un cours autorisé par l’employeur. La preuve n’a pas été établie que la formation était « exigée » par l’employeur et que le plaignant était dans l’impossibilité de fournir des services policiers s’il n’avait pas suivi ce cours.
En effet, la formation du policier n’était pas requise par l’employeur, mais par la Loi sur la police. La jurisprudence arbitrale établit que l’exigence imposée par l’employeur ne doit pas être le fait d’un tiers ou la résultante de l’initiative du plaignant.
La Cour d’appel précise que la formation suivie par le plaignant ne constituait pas une « exigence » de l’employeur prévu au paragraphe 4 de l’article 57 LNT
Syndicat du secteur préhospitalier des Laurentides et de Lanaudière - CSN c. Ambulances Gilles Thibault inc., D.T.E. 2012T-440 (T.A.)
Afin d’obtenir la reconnaissance du poste de technicien ambulancier et du maintien des compétences, les salariés se doivent de suivre une formation exigée par les agences de la santé et des services sociaux en vertu de la Loi sur les services préhospitaliers d’urgence. En l’espèce, une réclamation pour le déplacement est exclue de l’application de l’article 57 et 85.2 LNT puisque cette formation découle d’une exigence professionnelle et légale non exigée par l’employeur.
Lafond c. Corriveau, D.T.E. 2002T-288 (C.Q.)
Les heures qui sont imposées par l’employeur à des fins de lecture ou d’autres travaux qui doivent être effectués à la maison doivent être rémunérées.
Richard c. Jules Baillot & Fils ltée, D.T.E. 97T-1005 (C.Q.)
Commission des normes du travail c. St-Raymond Plymouth Chrysler inc., D.T.E. 86T-935 (C.Q.)
L’employeur ne peut convenir avec un employé d’une période d’essai, d’initiation ou d’apprentissage non rémunérée, et ce, malgré l’acceptation par un salarié de ne pas percevoir un salaire. La renonciation au salaire par un salarié va à l’encontre des dispositions de la Loi sur les normes du travail.
Commission des normes du travail c. 2859-0818 Québec inc., D.T.E. 96T-108 (C.Q.)
Beaudoin c. Motel Le Montagnard inc., D.T.E. 96T-769 (C.T.). Appel rejeté (T.T., 1996-12-18), 500-28-000285-965
L’obligation d’un salarié de se présenter sur les lieux de travail pour recevoir de l’information et des directives doit être considérée comme du temps travaillé. Le salarié doit par conséquent être rémunéré.
Levasseur c. Agence de placement Hélène Roy ltée, D.T.E. 2002T-669 (C.T.)
La période de formation exigée par l’employeur doit être rémunérée.
Syndicat des salariées de la Caisse populaire des Escoumins (CSN) c. Caisse populaire Desjardins des Escoumins, D.T.E. 2002T-210 (T.A.)
La présence obligatoire des personnes salariées à une réunion d’information est assimilée à une prestation de travail.
1979, c. 45, a. 57; 2002, c. 80, a. 15.