La Loi sur les normes du travail Chapitre IV - Les normes du travail (Art. 39.1 à 97)
Chapitre IV - Les normes du travail (Art. 39.1 à 97)
Section I - Le salaire (Art. 39.1 à 51.1)
Article 50
Pourboire
Le pourboire versé directement ou indirectement par un client appartient en propre au salarié qui a rendu le service et il ne doit pas être confondu avec le salaire qui lui est par ailleurs dû. L’employeur doit verser au salarié au moins le salaire minimum prescrit sans tenir compte des pourboires qu’il reçoit.
Pourboire
Si l’employeur perçoit le pourboire, il le remet entièrement au salarié qui a rendu le service. Le mot pourboire comprend les frais de service ajoutés à la note adu client mais ne comprend pas les frais d’administration ajoutés à cette note.
Partage ou convention de partage
L’employeur ne peut imposer un partage des pourboires entre les salariés. Il ne peut non plus intervenir de quelque manière que ce soit dans l’établissement d’une convention de partage des pourboires. Une telle convention doit résulter du seul consentement libre et volontaire des salariés qui ont droit aux pourboires.
Calcul de l'indemnité
Toutefois, une indemnité prévue par les articles 58, 62, 74, 76, 79.7, 79.16, 80, 81, 81.1, 83 et 84.0.13 se calcule, dans le cas d'un salarié qui est visé à l'un des articles 42.11 et 1019.4 de la Loi sur les impôts (chapitre I-3), sur le salaire augmenté des pourboires attribués en vertu de cet article 42.11 ou déclarés en vertu de cet article 1019.4.
1979, c. 45, a. 50; 1983, c. 43, a. 11; 1997, c. 85, a. 365; 2002, c. 80, a. 11; 2018, c. 21, a. 7.
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Interprétation
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Le pourboire est constitué des sommes remises volontairement par les clients et des frais de service ajoutés à la note. Le pourboire peut être versé directement ou indirectement au salarié. Il est versé directement au salarié par le client lorsqu’il est remis de main à main. Il est versé indirectement lorsqu’il y a une convention de partage ou lorsque l’employeur perçoit le pourboire pour le salarié dans l’une ou l’autre des circonstances suivantes :
- le client a utilisé sa carte de crédit ou sa carte de débit ;
- le client paie à l’employeur des frais de service ajoutés à la note.
Ces montants appartiennent exclusivement « en propre » au salarié qui a rendu le service au client. Ils n’appartiennent pas à tout autre salarié qui n’a pas rendu ce service au client.
Il est expressément interdit à l’employeur d’imposer de sa propre initiative le partage des pourboires aux salariés et d’intervenir dans l’établissement d’une convention à cet effet.
Pourboires perçus par l'employeur
Lorsque c’est l’employeur qui perçoit le pourboire, il a l’obligation de le remettre entièrement au salarié qui a rendu le service. L’employeur ne peut donc pas décider de garder une partie de ce pourboire ou le remettre, en tout ou en partie, à un autre salarié que celui qui a rendu le service au client.
Détermination du salaire à verser
Quelle que soit la forme que prend le pourboire, l’employeur doit verser au salarié le salaire qui lui est dû, sans tenir compte des pourboires. Par ailleurs, ce salaire doit être au moins le salaire minimum prescrit, toujours sans tenir compte des pourboires.
Le salarié qui reçoit habituellement des pourboires au sens de la définition de « salarié au pourboire » donnée à l’article 1 RNT (en vigueur depuis le 26 juin 2003) pourra se voir accorder par l’employeur, à titre de salaire horaire minimum, le taux spécifique fixé à l’article 4 RNT, sans tenir compte des pourboires. Le taux de salaire minimum prescrit par l’article 4 RNT n’est payable qu’au salarié au pourboire au sens de l’article 1 RNT. L’interprétation de l’article 1 RNT précise la définition de « salarié au pourboire ».
Frais de service et frais d'administration
En plus des sommes remises volontairement par le client, les frais de service, ajoutés à la note du client, sont réputés être du pourboire. Ils doivent donc être remis entièrement au salarié. Toutefois, les frais d’administration ajoutés à cette note ne sont pas du pourboire. Puisque le législateur a précisé que les frais de service sont réputés être du pourboire, l’employeur a l’obligation d’indiquer clairement ce qui constitue des frais d’administration. En cas de doute sur la nature de frais d’administration facturés au client, l’employeur aura le fardeau de démontrer que ceux-ci correspondent à cette catégorie de frais et ne constituent pas des frais de service déguisés.
Convention de partage
Le salarié à qui appartient le pourboire au sens de l’article 50 a le droit de participer à une entente relative au partage des pourboires, et ce, librement et volontairement. L’existence d’une telle convention peut être verbale ou écrite.
Il est permis à un groupe de salariés, à des fins d’accommodement, de demander à l’employeur de gérer l’application de cette convention et la répartition des pourboires qui en découlera. Une convention de partage des pourboires devient une condition d’embauche à l’égard des salariés, si elle s’appuie sur une volonté librement exprimée par les salariés qui y sont visés.
La Commission ne pourra réclamer les sommes non remises en vertu d’une convention de partage pour un salarié qui s’est retiré d’une telle convention. La Commission n’est pas habilitée à poursuivre un salarié qui ne remplit pas ses obligations à l’égard des autres salariés concernés par la convention de partage des pourboires.
Indemnité calculée sur le salaire augmenté du pourboire
Les « pourboires attribués » en vertu de l’article 42.11 de la Loi sur les impôts et « déclarés » en vertu de l’article 1019.4 de la même loi font partie du salaire pour le calcul des indemnités prévues aux articles 58, 62, 74, 76, 79.7, 79.16, 80, 81, 81.1, 83 et 84.0.13 de la Loi sur les normes du travail. On en tient également compte dans le cas de l’indemnité pour jour férié et chômé prévue par une convention collective ou un décret (art. 59.1, paragr. 2° LNT) et pour celle inscrite dans la Loi sur la fête nationale.
« Pourboires attribués ou déclarés » au sens de la loi sur les impôts
Le pourboire déclaré est celui que le salarié au pourboire déclare, par écrit, à son employeur à la fin de chaque période de paie. Est aussi considéré comme un pourboire déclaré, le pourboire perçu par l’employeur et remis au salarié à la condition que l’employeur indique ce montant au registre de paie et effectue les déductions d’impôt y afférentes.
Les pourboires attribués font référence à l’attribution par l’employeur d’un montant qui est égal à l’excédent de 8 % du total des ventes pouvant donner lieu à la perception d’un pourboire faites par le salarié (art. 42.11 de la Loi sur les impôts). L’employeur doit donc attribuer des pourboires lorsque ceux qui sont déclarés par le salarié sont inférieurs à 8 % du montant des ventes pouvant donner lieu à la perception d’un pourboire. L’attribution doit normalement se faire à la fin de la période de paie, soit lorsque l’employeur calcule la rémunération de l’employé.
Ces notions ne s’appliquent qu’au salarié qui exerce ses fonctions dans un « établissement visé », c’est-à-dire :
«a) un lieu situé au Québec spécialement aménagé pour offrir habituellement, moyennant rémunération, le logement ou de la nourriture à consommer sur place;
b) un lieu situé au Québec où sont servies, moyennant rémunération, des boissons alcooliques à consommer sur place ;
c) un convoi de chemin de fer ou un navire, utilisé dans le cadre d’une entreprise exploitée en totalité ou en quasi-totalité au Québec et dans lequel de la nourriture ou des boissons sont servies ;
d) un lieu situé au Québec où, dans le cadre de l’exploitation d’une entreprise, sont offertes, moyennant rémunération, de la nourriture ou des boissons à consommer ailleurs que sur place ; »« “vente pouvant donner lieu à la perception d’un pourboire” désigne une vente d’un établissement visé qui, conformément à l’usage en vigueur au Québec, est susceptible d’entraîner le versement d’un pourboire par la clientèle, à l’exception d’une vente de nourriture ou de boissons à consommer ailleurs qu’à l’établissement visé » (art. 42.6 de la Loi sur les impôts).
« 42.7. Pour l’application de la définition de l’expression « établissement visé » prévue à l’article 42.6, un établissement visé ne comprend pas :
a) un lieu situé au Québec où l’on offre principalement le logement ou de la nourriture, ou les deux, moyennant rémunération à la semaine, au mois ou à l’année ;
b) un lieu où l’activité qui consiste à offrir de la nourriture et des boissons est exercée par un établissement d’enseignement, un établissement hospitalier, un établissement d’hébergement pour personnes nécessiteuses ou violentées ou un autre établissement semblable ;
c) un lieu où l’activité qui consiste à offrir de la nourriture et des boissons est exercée par un organisme de bienfaisance ou un organisme semblable mais n’est pas exercée sur une base régulière;
d) une cafétéria ;
e) un lieu où l’activité est communément appelée de “service rapide” et où les employés ne reçoivent habituellement pas de pourboires de la majorité de la clientèle. »
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Jurisprudence
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Commission des normes du travail c. 9029-8118 Québec inc. (Restaurant l’Oeuforie), C.Q. Québec, n° 200-22-014143-002, 23 mai 2001, j. Vézina
Le partage des pourboires doit être un geste volontairement consenti par le salarié sans la participation directe ou déguisée de l’employeur, et sans contrainte de ce dernier.
Émond c. 147564 Canada inc. (Restaurant Mikes), D.T.E. 2001T-1154 (C.T.)
Une politique de partage des pourboires imposée par l’employeur est illégale, n’étant pas adoptée unilatéralement avec le consentement des salariés ayant droit au pourboire.
Manoir Richelieu ltée (établissement restaurant) c. Travailleuses et travailleurs unis de l’alimentation et du commerce, section locale 503, D.T.E. 2009T-116 (T.A.).
Confirmé par la Cour d’appel D.T.E. 2011T-350 (C.A.). Requête pour autorisation de pourvoi à la Cour suprême rejetée (C.S. Can., 2011-12-01), 34370.
À l’occasion de banquets, l’employeur n’a pas identifié clairement les frais de services et les frais d’administration à la note du client. Il devra donc verser l’entièreté des montants perçus à titre de pourboire aux salariés.
Manoir Rouville-Campbell c. Union des chauffeurs, hommes d’entrepôts et autres ouvriers Teamsters Québec, section locale 106 (FTQ), D.T.E. 2004T-1125 (T.A.). Désistement d’action (C.S., 2005-05-24), 500-17-023295-044
Le libellé de l’article 50, en vigueur depuis le 1er mai 2003, vient clarifier que le pourboire versé directement ou indirectement par un client n’appartient pas à l’employeur, qui, s’il perçoit le pourboire lui-même, doit le remettre entièrement au salarié. Par conséquent, les frais d’administration doivent apparaître expressément à la facture pour que l’employeur puisse les retenir.
Simco ltée c. Commission des normes du travail et Procureur général du Québec, C.S. Montréal, no 500-05-004080-816, 27 mai 1981, j. Gratton
Lorsque le client ajoute à sa note les frais de service, ceux-ci appartiennent à l’employé qui a rendu le service. L’employeur peut percevoir les pourboires, mais il doit les remettre à celui qui y a droit, puisqu’ils appartiennent en propre à cette personne. L’employeur ne peut donc les percevoir pour les distribuer à tous les salariés en fonction de la valeur des services rendus.
2915499 Canada inc. c. Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail, 2019 QCCA 609
Les commis débarrasseurs du restaurant de l’employeur sont en l’espèce des « salariés au pourboire », car ils rendent les services au client et reçoivent habituellement des pourboires en raison du système de partage des pourboires (convention) mis en place.