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La Loi sur les normes du travail Chapitre IV - Les normes du travail (Art. 39.1 à 97)

Chapitre IV - Les normes du travail (Art. 39.1 à 97)

Section I - Le salaire (Art. 39.1 à 51.1)

Article 49

Retenue sur le salaire 

Un employeur peut effectuer une retenue sur le salaire uniquement s’il y est contraint par une loi, un règlement, une ordonnance d’un tribunal, une convention collective, un décret ou un régime complémentaire de retraite à adhésion obligatoire.

Retenue

L’employeur peut également effectuer une retenue sur le salaire si le salarié y consent par écrit et pour une fin spécifique mentionnée dans cet écrit.

Retenue révoquée

Le salarié peut révoquer cette autorisation en tout temps, sauf lorsqu'elle concerne une adhésion à un régime d'assurance collective ou à un régime complémentaire de retraite. L'employeur verse à leur destinataire les sommes ainsi retenues.

1979, c. 45, a. 49; 1989, c. 38, a. 274; 2002, c. 80, a. 10.

Interprétation

L’article 49 LNT constitue une exception au principe général selon lequel le salarié a droit à l’entièreté de sa rémunération ; il doit être interprété restrictivement.

Le premier alinéa de cet article vise les retenues sur le salaire effectuées au bénéfice d’une tierce personne. L’employeur peut effectuer cette retenue sans le consentement exprès du salarié parce qu’il est alors autorisé à la faire en vertu d’une loi, d’un règlement, d’une ordonnance d’un tribunal, d’une convention collective ou d’un décret ou, encore, d’un régime complémentaire de retraite à adhésion obligatoire. Il faut comprendre que dans ces cas il ne le fait pas de sa propre initiative.

Aucune autre retenue sur le salaire, de quelque nature qu’elle soit, ne peut être effectuée par l’employeur à moins que le salarié n’y consente par écrit pour une fin spécifique mentionnée aussi par écrit. Les termes « pour une fin spécifique » sont en opposition à une retenue générale sans indication précise de la créance. Le salarié doit savoir avec exactitude les éléments qui composent cette retenue ; à titre d’exemple, mentionnons l’échéance de la retenue. Il est essentiel que les paramètres de la créance soit précisés par écrit par des mentions telles que la raison de la retenue, le montant concerné, la durée de la retenue, la fréquence de celle-ci ou par une autre mention nécessaire. Les articles 85 et 85.1 LNT précisent les retenues relatives au vêtement de travail ou au matériel.

Il est important de remarquer que l’autorisation écrite du salarié, permettant la déduction sur le salaire de certaines sommes, peut être révoquée par écrit en tout temps. Une telle révocation aura donc pour effet d’interdire à l’employeur d’effectuer quelque retenue que ce soit.


Opposabilité des moyens de défense à la commission

Lorsque la Commission fait une réclamation pour le compte d’un salarié, elle n’agit pas comme mandataire du salarié mais en son propre nom, en vertu de la loi (art. 39, paragr. 8° et art. 98 LNT). À ce titre, on ne peut lui opposer les moyens de défense qui seraient opposables au salarié personnellement, sauf lorsque la somme d’argent due par le salarié à son employeur sera liquide et exigible au sens de l’article 1673 du Code civil du Québec ; il s’agit alors d’une compensation légale. En fait, trois conditions sont requises :

 

  1. La dette doit être admise et certaine ;
  2. La dette doit être liquide, c’est-à-dire que le montant exact de la dette doit être connu des parties ;
  3. La dette doit être exigible, c’est-à-dire que le terme doit être échu ; la dette est due au moment où la compensation est opérée. Par exemple, une somme qu’on a convenu de rembourser le 1er juillet 2008 n’est pas exigible avant cette date.

Recours en cas de retenue

La nature de la réclamation dépend du type de retenue effectuée sur le salaire. Par exemple, la retenue faite sur une indemnité de congé annuel devrait permettre une « réclamation pour indemnité de congé annuel non versée » en vertu des articles 74 ou 76 LNT, plutôt qu’à une « réclamation pour une somme retenue illégalement » selon l’article 49 LNT. La réclamation sera fondée sur l’article 49 uniquement si le fond du litige est que la retenue n’est pas opérée conformément à cet article.

Jurisprudence
Métivier c. R.B.C. Dominion valeurs mobilières inc., D.T.E. 2003T-523 (C.S.)
Syndicat des professionnels de la Commission des écoles catholiques de Montréal c. Moalli, D.T.E. 91T-679 (C.A.)
Syndicat des professionnels et professionnelles du réseau scolaire du Québec c.
Commission scolaire de La Mitis, D.T.E. 90T-105 (C.A.)
Frappier c. Commission scolaire crie, D.T.E. 90T-1094 (C.A.)

L’article 49 LNT vise les dettes envers les tiers qui pourraient être récupérées par l’intermédiaire de l’employeur. Il n’empêche pas ce dernier de déduire les sommes que lui doit un employé, même sans son consentement écrit, dans la mesure où ces dettes sont liquides et exigibles. Dans ce cas, la compensation légale s’opère entre les parties.

Toutefois, il en serait autrement si la dette était contestée de la part de l’employé, car la dette en question ne serait pas liquide.

Commission des normes du travail c. Ballin inc., D.T.E. 2002T-503 (C.Q.)
Commission des normes du travail c. Urgel Bourgie ltée, D.T.E. 96T-1512 (C.Q.)
Commission des normes du travail c. Groupe Publi-Saturn II inc., D.T.E. 99T-829 (C.Q.)
Bergeron c. 2971-4821 Québec inc., D.T.E. 98T-112 (C.T.). Appel du salarié accueilli et appel de l’employeur rejeté: D.T.E. 98T-920 (T.T.)
Voir au même effet : Commission des normes du travail c. Martineau, D.T.E. 2009T-574 (C.Q.) et CNESST c. Nikol Poulin inc. 2017 QCCQ 7190

Les sommes qu’un employeur prélève sur la paie d’un employé doivent faire l’objet d’une créance certaine, liquide et exigible. La créance de l’employeur doit donc être claire et pratiquement incontestable. C’est le phénomène de la compensation légale en vertu des dispositions du Code civil du Québec.

Une dette n’est pas certaine, liquide et exigible lorsqu’un employé refuse d’en reconnaître l’existence.

Commission des normes du travail c. 3608336 Canada inc., D.T.E. 2003T-856 (C.Q.)

La compensation légale entre deux dettes peut être invoquée dans la mesure où deux dettes sont certaines, liquides et exigibles, c’est-à-dire non contestées ou non contestables. Lorsqu’une dette est contestée et qu’elle ne peut être fixée avec précision, elle ne peut faire l’objet d’une telle compensation, la dette n’étant pas certaine, liquide et exigible.

Bergeron c. 2971-4821 Québec inc., D.T.E. 98T-112 (C.T.). Appel du salarié accueilli et appel de l’employeur rejeté: D.T.E. 98T-920 (T.T.)

Un employeur ne peut, à titre préventif, effectuer une retenue sur la paie d’un employé. Pour qu’il y ait compensation légale, la dette doit être exigible. De plus, elle doit être admise et le montant doit être connu des parties.

Maltais c. Corporation du parc régional du Mont Grand-Fonds inc., D.T.E. 2002T-385 (C.A.)
Commission des normes du travail c. Urgel Bourgie ltée, D.T.E. 96T-1512 (C.Q.)

Un employeur ne peut plaider compensation contre une réclamation de la Commission des normes du travail. En effet, celle-ci agit en son propre nom, elle n’est pas mandataire du salarié. Elle n’intente pas son recours en vertu d’une cession de créance, mais en vertu de sa loi constitutive.

Commission des normes du travail c. Desjardins, D.T.E. 99T-1099 (C.Q.)

Un employeur ne peut opposer compensation au salarié pour du travail mal exécuté lors d’une action intentée par la Commission, cette dernière agissant en son propre nom pour le compte du salarié aux fins de l’application de la Loi sur les normes du travail.

Commission des normes du travail c. Roger Lachapelle Pontiac Buick ltée, C.P. Hull, n° 550-02-001709-82, 29 mars 1984, j. Fournier

Les sommes retenues sur le salaire relativement à du travail repris sont contraires aux prescriptions de l’article 49 LNT.

Syndicat des professionnels de la Commission des écoles catholiques de Montréal c. Moalli, D.T.E. 91T-679 (C.A.)

L’article 49 LNT est d’ordre public et doit primer toute convention collective qui y déroge.