La Loi sur les normes du travail Chapitre II - Le champ d'application (Art.2 à 3.1)
Chapitre II - Le champ d'application (Art.2 à 3.1)
Article 2
Application de la loi
La présente loi s'applique au salarié, quel que soit l'endroit où il exécute son travail. Elle s'applique aussi :
- au salarié qui exécute, à la fois au Québec et hors du Québec, un travail pour un employeur dont la résidence, le domicile, l'entreprise, le siège ou le bureau se trouve au Québec;
- Jurisprudence
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Stewart c. Brospec Inc., D.T.E. 2000T-1024 (C.T.)
Le paragraphe 1 de l’article 2 de la Loi sur les normes du travail permet au salarié appelé à travailler au Québec et à l’extérieur du Québec de profiter des avantages de la loi, à condition que son employeur soit rattaché au territoire du Québec. Il n’est pas nécessaire que le salarié ait son domicile ou sa résidence au Québec. Comme en l’espèce l’employeur possède un siège social et un établissement au Québec et que le plaignant exerce certaines tâches dans cette province, il satisfait aux conditions du premier paragraphe de l’article 2 LNT.Ladouceur c. Almico Plastics Canada Inc., D.T.E. 90T-490 (T.A.)
Brunet c. M. Loeb Ltd., [1983] T.A. 818Au même effet voir : Commission des normes du travail c. Aisa Corporation, D.T.E.2010T-598 (C.Q.)
Un employeur est considéré comme exploitant une entreprise au Québec dès que, par l’intermédiaire d’un de ses employés, il exerce des activités au Québec sur une base continue présentant un certain caractère de permanence, et ce, même si l’entreprise de l’employeur est physiquement située à l’extérieur du Québec. En l’espèce, le plaignant, qui vend à commission sur le territoire du Québec des produits fabriqués par une entreprise située en Ontario, peut bénéficier de la protection de la Loi sur les normes du travail.
Commission du salaire minimum c. Dubois Chemicals of Canada, [1972] R.D.T. 582 (C.P.)
Il suffit que l’employeur ait un pied-à-terre au Québec pour qu’il soit soumis à la Loi sur les normes du travail, même si son siège social est situé à l’extérieur du Québec.
- au salarié, domicilié ou résidant au Québec, qui exécute un travail hors du Québec pour un employeur visé dans le paragraphe 1°;
- Jurisprudence
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DOMICILE – INDICES DE RATTACHEMENT
Laguë c. Ministère des Relations internationales, [1999] R.J.D.T. 601 (C.T.)
La plaignante réside à Mexico depuis 5 ans. Elle y vit avec son conjoint qui est mexicain, elle n’a plus d’adresse au Québec. Elle travaille au Mexique et son contrat avec le Ministère ne comporte aucune limite de temps. Elle revient au Québec pour travailler pendant 3 mois, avec son conjoint, puis elle repart au Mexique. Il appert que la plaignante a une volonté durable de rattachement au nouveau lieu de résidence. Malgré son congédiement, elle réside toujours au Mexique et y travaille. Son statut fiscal de contribuable québécoise ne fait que semer un doute permettant d’appliquer la présomption de l’article 78 du Code civil du Québec (C.c.Q.), mais il n’est pas concluant. La plaignante est domiciliée à Mexico et la Loi sur les normes du travail ne s’applique pas à elle.
DOMICILE – ÉTABLISSEMENT DE L’EMPLOYEUR
Boisvert et Marnier-Lapostolle Chile Spa, 2018 QCTAT 4718
L’employeur, une entreprise dont le siège est au Chili, retient les services de la plaignante, qui travaille en grande partie depuis son domicile. Ce domicile constitue alors un établissement de l’employeur. La LNT s’applique donc à cette salariée.
ENTREPRISE DE COMPÉTENCE FÉDÉRALE
Bell Canada c. Québec (Commission de la santé et de la sécurité du travail), [1988] 1 R.C.S. 749
Les lois provinciales du travail, dont fait partie la Loi sur les normes du travail, ne s’appliquent pas aux entreprises fédérales mentionnées au paragraphe 29 de l’article 91 et aux alinéas 10 a, b et c de l’article 92 de la Loi constitutionnelle de 1867. Comme les relations de travail forment une partie essentielle de la gestion et de l’exploitation de ces entreprises, les assujettir aux lois du travail équivaudrait à régir des parties essentielles de ces entreprises, alors que cela est du ressort exclusif du Parlement fédéral. Les relations de travail des entreprises fédérales relèvent donc de la compétence exclusive du Parlement fédéral.
Construction Montcalm inc. c. Commission du salaire minimum, [1979] 1 R.C.S. 754
C’est la nature de l’exploitation d’une entreprise qui détermine s’il s’agit d’une entreprise relevant de la compétence fédérale. Il faut considérer ses activités normales ou habituelles, sans tenir compte des facteurs exceptionnels ou occasionnels. En l’espèce, l’employeur est une entreprise de construction construisant les pistes d’atterrissage d’un aéroport. Il est vrai que les questions aéronautiques sont de compétence fédérale, par exemple lorsqu’il s’agit de décider de construire un aéroport, de déterminer son emplacement et de choisir les matériaux qui entreront dans sa construction. Toutefois, la construction d’un aéroport ne fait pas partie intégrante du domaine de l’aéronautique à tous les points de vue. Les modalités d’exécution de la construction, comme le port d’un casque protecteur sur les chantiers, renvoient directement à la législation provinciale et n’ont rien à voir avec l’aéronautique. De la même façon, les salaires versés par l’employeur aux salariés chargés des travaux sont une question qui ne relève pas de la compétence fédérale, car il s’agit d’un sujet trop éloigné, qui ne peut pas être lié à l’exploitation d’une entreprise fédérale.
Moreau c. Forage Major Kennebec Drilling Ltd. (Les Forages Major Kennebec Drilling ltée), C.R.T. Montréal, CQ-1011-2652 et CQ-1011-4964, 16 janvier 2003, commissaire Lalonde
Il ne suffit pas qu’une compagnie soit incorporée au fédéral ou qu’elle exerce des activités à l’extérieur de la province pour qu’elle devienne de compétence fédérale. Il faut examiner le genre ou la nature de l’entreprise. En l’espèce, le but principal de l’entreprise est d’effectuer des travaux de construction. Il s’agit donc d’une entreprise provinciale.
Lelièvre c. 9048-0609 Québec inc., D.T.E. 2000T-392 (C.T.). Requête en révision judiciaire rejetée (C.S., 2000-12-19), 105-05-000401-006
Le plaignant occupe un emploi saisonnier de pêcheur de crevettes. Bien que la protection et la préservation des pêcheries soient de la compétence législative exclusive du Parlement fédéral, la gestion des entreprises de pêche commerciale et les relations de travail au sein de ces entreprises demeurent dans le champ de compétence des provinces. La Loi sur les normes du travail s’applique donc aux entreprises de pêche commerciale.
Léo Beauregard et Fils (Canada) ltée c. Commission des normes du travail, [2000] R.J.D.T. 453 (C.A.)
Une entreprise de transport par autocar dont les activités consistent en des transports nolisés à l’intérieur (66 %) et à l’extérieur (33 %) du Québec est une entreprise de compétence fédérale. Le pourcentage de déplacements extraprovinciaux importe peu. Ce qui compte pour la qualifier d’entreprise de compétence fédérale, c’est la régularité et la continuité des activités de transport que cette entreprise effectue à l’extérieur de la province.
ENTREPRISE ASSOCIÉE À UNE ENTREPRISE FÉDÉRALE
Northern Telecom c. Travailleurs en communication, [1980] 1 R.C.S. 115; [1983] 1 RCS 733
Commission de la construction du Québec c. Entreprises québécoises d’excavation L.E.Q.E.L. (1993) ltée, D.T.E. 97T-1069 (C.S.). Appel rejeté (C.A., 1999-02-19), 200-09-001590-972, D.T.E. 99T-273
Commission des normes du travail c. 3986543 Canada inc., D.T.E. 2004T-699 (C.Q.)
Commission des normes du travail c. Chambly Radios communications cellulaires inc., [2003] R.J.D.T. 201 (C.Q.)
Pour déterminer si une entreprise est de compétence fédérale, il faut examiner la nature de l’exploitation en considérant les activités normales ou habituelles de l’entreprise, sans tenir compte de facteurs exceptionnels ou occasionnels. Lorsque l’entreprise fournit des services à une entreprise fédérale, il faut examiner les critères suivants pour conclure à l’intégration des deux entreprises :
- la nature générale de l’exploitation (l’entreprise principale à laquelle les services sont rendus doit être de compétence fédérale) ;
- la nature du lien entre les deux entreprises (les services rendus doivent être vitaux et essentiels pour l’entreprise fédérale) ;
- l’importance du travail effectué (la majeure partie des activités de l’entreprise accessoire doit consister à rendre ces services) ;
- le lien matériel et opérationnel (il faut regarder la continuité et la régularité du lien sans tenir compte de facteurs exceptionnels ou occasionnels ; par exemple, les liens sociaux et les mesures de contrôle exercées par l’entreprise principale sur l’entreprise accessoire sont un indice).
Commission des normes du travail c. 3986543 Canada inc., D.T.E. 2004T-699 (C.Q.)
La défenderesse vend et offre en location des appareils permettant de capter des signaux satellites. La défenderesse ne diffuse ni ne capte aucun signal satellite. Elle n’est pas une entreprise accessoire indispensable ou essentielle à Bell. Il faut plus que l’existence d’un lien matériel et de relations contractuelles avec Bell pour faire de la défenderesse une entreprise fédérale.
Commission des normes du travail c. Chambly Radios communications cellulaires inc., [2003] R.J.D.T. 201 (C.Q.)
L’activité principale de la défenderesse est la vente de téléphones cellulaires, la vente d’abonnements et l’activation de ces appareils dans le réseau de Bell. La défenderesse ne reçoit ni ne diffuse aucun signal. Elle n’est donc pas une entreprise de téléphonie. Elle n’est pas non plus une entreprise accessoire indispensable ou essentielle à Bell. Elle n’est qu’un agent dépositaire.
- (paragraphe abrogé);.
État lié
La présente loi lie l'État.
1979, c. 45, a. 3; 1980, c. 5, a. 1; 1985, c. 21, a. 74; 1986, c. 89, a. 50; 1988, c. 41, a. 88; 1990, c. 73, a. 3; 1992, c. 68, a. 157; 1993, c. 51, a. 43; 1994, c. 16, a. 50; 2002, c. 80, a. 2; 2005, c. 28, a. 195; 2007, c. 36, a. 1; 2013, c. 28, a. 203; 2018, c. 21, a. 1.
- Interprétation
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Le champ d’application de la Loi sur les normes du travail est défini à cet article. Différentes situations peuvent survenir :
Le salarié travaille uniquement au Québec.
La loi s’applique pour un employeur dont la résidence, le domicile, l’entreprise, le siège ou le bureau se trouve ou non au Québec ;
Le salarié travaille à la fois au Québec et à l’extérieur du Québec.
- Pour un employeur dont la résidence, le domicile, l’entreprise, le siège ou le bureau se trouve au Québec, la loi s’applique (art. 2, paragr. 1° LNT) ;
- Pour un employeur qui n’a ni résidence, ni domicile, ni entreprise, ni siège, ni bureau au Québec, la loi applicable est celle du lieu de l’entreprise de l’employeur ;
Le salarié travaille uniquement à l’extérieur du Québec, mais est domicilié ou réside au Québec.
- Pour un employeur dont la résidence, le domicile, l’entreprise, le siège ou le bureau se trouve au Québec, la loi s’applique (art. 2, paragr. 2° LNT) ;
- Pour un employeur qui n’a ni résidence, ni domicile, ni entreprise, ni siège, ni bureau au Québec, la loi applicable est celle du lieu de l’entreprise de l’employeur.
Il est important de mentionner que, pour l’application du paragraphe 1°, le salarié peut résider et être domicilié à l’extérieur du Québec.
Par l’utilisation des termes « un employeur dont la résidence, le domicile, l’entreprise, le siège ou le bureau se trouve au Québec », l’intention manifeste du législateur est de viser l’employeur qui fait des affaires au Québec.
Par ailleurs, pour que la loi soit applicable à l’État, on doit le mentionner spécifiquement. La Loi sur les normes du travail s’applique à tous les ministères et organismes du gouvernement.