La Loi sur les normes du travail Chapitre I - Définitions (Art.1)
Chapitre I - Définitions (Art.1)
Article 1
Interprétation
Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par :
- « accouchement » :
la fin d'une grossesse par la mise au monde d'un enfant viable ou non, naturellement ou par provocation médicale légale;
- « Commission » : la Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail instituée en vertu de l'article 4;
- « conjoints » : les personnes :
- qui sont liées par un mariage ou une union civile et qui cohabitent;
- de sexe différent ou de même sexe, qui vivent maritalement et sont les père et mère ou les parents d'un même enfant;
- de sexe différent ou de même sexe, qui vivent maritalement depuis au moins un an;
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Interprétation
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Les « conjoints » sont :
- ceux qui sont mariés ou unis civilement et qui cohabitent ;
- deux personnes qui ne sont pas mariées et qui sont les père ou mère d’un même enfant. Dans ce cas, aucune période précise de cohabitation n’est exigée ; elles doivent simplement vivre maritalement pour être considérées comme « conjoints » ;
- deux personnes qui cohabitent depuis au moins un an, sans égard au fait qu’elles aient ou non des enfants. Pour la notion de cohabitation, voir l’interprétation du dernier alinéa de l’article 1.
- « convention » :
un contrat individuel de travail, une convention collective au sens du paragraphe d de l'article 1 du Code du travail (chapitre C-27) ou toute autre entente relative à des conditions de travail, y compris un règlement du gouvernement qui y donne effet;
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Interprétation
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On ne trouve dans la loi aucune obligation de recourir à une entente écrite pour établir ou fixer les conditions de travail d’un salarié. Par conséquent, la convention dont il est ici question peut aussi être verbale ou même tacite.
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Jurisprudence
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Convention
Fri Information Services Ltd. c. Larouche, [1982] C.S. 742.
Appel rejeté (C.A., 1983-09-23), 500-09-001145-820Le tribunal précise que la convention de travail repose sur un élément principal : le lien contractuel entre les parties, soit l’employeur et le salarié.
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« décret » :
un décret adopté en vertu de la Loi sur les décrets de convention collective (chapitre D-2); -
« domestique » : une personne salariée employée par une personne physique et dont la fonction principale est d’effectuer des travaux ménagers dans le logement de cette personne, y compris la personne salariée dont la fonction principale est d'assumer la garde ou de prendre soin d'un enfant, d'un malade, d'une personne handicapée ou d'une personne âgée et d'effectuer dans le logement des travaux ménagers qui ne sont pas directement reliés aux besoins immédiats de la personne gardée;
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Interprétation
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Il s’agit ici d’un salarié employé par une personne physique, ce qui exclut tous les salariés employés par des personnes morales (corporation, société par actions, etc.) même si les fonctions de ces derniers peuvent s’apparenter à celles d’un domestique ; ces employés sont alors des salariés au sens de la Loi sur les normes du travail (LNT) sans posséder le statut de domestique.
Le domestique est celui qui effectue des travaux ménagers dans un logement pour une personne physique, et ce, même si, en plus d’effectuer des travaux ménagers, il assume la garde ou prend soin dans ce logement d’un enfant, d’un malade, d’une personne handicapée ou d’une personne âgée. Dans ce dernier cas, le salarié doit effectuer des travaux ménagers qui ne sont pas directement liés aux besoins immédiats de la personne gardée pour être considéré comme un domestique au sens de la loi.
L’expression « prendre soin » signifie apporter à une personne toute l’attention requise et faire les gestes nécessaires pour assurer sa sécurité et son bien-être en général.
Les besoins immédiats d’une personne dépendent de l’état de cette personne ; ils varient donc d’une personne à l’autre. Ainsi, la lessive des vêtements d’un enfant en bas âge constitue un travail ménager lié aux « besoins immédiats » de cet enfant.
Il ne faut pas confondre la définition de « domestique » avec celle de « gardien ou gardienne de personnes » précisée à l’exclusion du paragraphe 2° de l’article 3 LNT.
Depuis le 26 juin 2003, le domestique qui réside chez son employeur bénéficie du taux général du salaire minimum (art. 3 RNT) et d’une semaine normale de 40 heures (art. 52 LNT), et ce, par l’abrogation des articles 5 et 8 du Règlement sur les normes du travail. Les normes du travail s’appliquent donc au domestique, sans égard au fait que celui-ci réside ou non chez son employeur.
Voir les normes suivantes qui traitent du domestique : articles 51.0.01 (chambre et pension), 123.4 et 128 LNT.
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Jurisprudence
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Domestique
Commission du salaire minimum c. McKeage, [1969] B.R. 711 (C.A.)
La Cour d’appel doit décider si les salariés, qui travaillent dans un établissement d’hébergement pour les personnes âgées et qui effectuent des tâches domestiques, ont le statut de domestiques :
« Il est clair que le travail qu’ils accomplissent est du même genre que celui dont se chargent les domestiques. Mais je suis d’avis qu’ils ne sont pas des domestiques de maison. Dans le sens où le mot est ici employé, la maison [entendre ici le logement], c’est la famille, et le domestique de maison est celui qui est au service de la famille, de son employeur, et des invités qui sont admis dans son sein. »Commission des normes du travail c. Fondation Achille Tanguay, D.T.E. 2003T-1105 (C.Q.)
Les fonctions normalement remplies par un domestique sont, entre autres, de faire la lessive, le repassage, les lits, le ménage, la cuisine, de passer l’aspirateur et de sortir les ordures.
Fulgencio c. Beylerien, B.C.G.T., Montréal, CM9609S394, 1er avril 1997, commissaire Marchand
La domestique accomplit des travaux ménagers au domicile de son employeur. Même si elle figure sur la liste de paie de la compagnie appartenant à son employeur, la compagnie est uniquement un agent payeur. Le véritable employeur est la personne physique chez qui et pour qui elle travaille.
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- « employeur » :
quiconque fait effectuer un travail par une personne salariée;-
Interprétation
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Le terme « quiconque » est un indicateur que cette définition doit recevoir une interprétation large. La notion d’employeur est en étroite relation avec la définition de « salarié » que l’on trouve au paragraphe 10° de l’article 1 LNT.
C’est une notion évolutive selon les changements constatés dans le domaine des relations de travail (voir l’interprétation de l’article 95 LNT).
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Jurisprudence
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Employeur
Commission des normes du travail c. QuébeComm Marketing inc., C.Q. Québec, n° 200-22-022392-021, 30 mars 2004, j. Cloutier
Le seul fait qu’une entreprise paie le salaire du salarié n’est pas suffisant pour en faire le véritable employeur. Il faut regarder les autres points de rattachement, soit l’embauche, le lieu et les outils de travail, de même que la supervision immédiate du salarié. Lorsque ces points rattachent le salarié à une autre entreprise, c’est cette autre entreprise qui est l’employeur véritable, et non l’entreprise qui verse le salaire.
Contrat de franchise
Charbonneau c. 9042-2270 Québec inc., D.T.E. 2004T-407 (C.R.T.)
Le commerce (une pharmacie) fait partie d’un réseau de franchises. C’est le commerce qui est responsable de la sélection, de l’embauche, de l’évaluation, de la discipline, de la supervision, des affectations, de la détermination de la structure et de la rémunération du personnel. C’est donc le franchisé qui est l’employeur de la salariée. Le fait que le franchiseur tente d’établir des conditions de travail uniformes dans toutes les pharmacies, en vertu du contrat de franchise intervenu entre lui et le franchisé, ne change rien au fait que le véritable employeur est le franchisé.
Détermination du véritable employeur
Pointe-Claire (Ville) c. Québec (Tribunal du travail), [1997] 1 R.C.S. 1015
Par l’entremise d’une agence de placement, une ville retient les services d’une salariée pour deux contrats, un de 6 semaines et un autre de 18 semaines. C’est l’agence qui fixe et verse le salaire, mais le travail s’exécute sous la supervision d’un cadre de la Ville. La Cour suprême décide que l’employeur de la salariée est la Ville selon le Code du travail.
Maras c. Clinique familiale St-Vincent enr., D.T.E. 96T-1254 (C.T.)
Rivard c. Realmont ltée, [1999] R.J.D.T. 239 (C.T.)
Le fait pour une clinique de retenir les services d’une agence, de congédier tous ses salariés et de les faire réembaucher par l’agence ne change pas son statut d’employeur. Dans les faits, la clinique demeure le véritable employeur. Les salariés sont essentiels au fonctionnement de la clinique et y sont intégrés, le responsable à la clinique communique régulièrement avec l’agence et la clinique approuve les conditions de travail des salariés. L’agence est un sous-traitant et agit comme un simple gérant du personnel, même si c’est elle qui paie les salaires.
Corriveau c. Résidence St-Philippe de Windsor, [1997] C.T. 464
Dans une relation tripartite (salarié – résidence pour personnes âgées – entreprise d’entretien ménager), d’autres éléments, en plus de la subordination juridique, sont à considérer pour déterminer qui est le véritable employeur. Dans les faits, c’est celui qui s’occupe du processus de sélection, de l’embauche, de la discipline, de l’évaluation, de l’assignation des tâches et de la durée des services qui est le véritable employeur.
Mr. Jeff c. Monette, D.T.E. 97T-885 (C.S.)
Commission des normes du travail c. 9031-5839 Québec inc., D.T.E. 99T-708 (C.Q.)
Requête pour permission d’appeler rejetée (C.A., 1999-08-25), 500-09-008411-993Il peut arriver que deux personnes morales, ayant une entité juridique distincte, soient considérées comme étant solidairement responsables du paiement du salaire ou d’une indemnité. Cette décision est motivée par le fait que les personnes morales sont étroitement liées et qu’elles ont elles-mêmes créé une confusion quant à la détermination de l’employeur, principalement envers les salariés. Il y a alors osmose entre les deux personnes morales, ce qui en fait un seul et même employeur.
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« ministre » :
le ministre du Travail; -
« salaire » :
la rémunération en monnaie courante et les avantages ayant une valeur pécuniaire dus pour le travail ou les services d'une personne salariée;
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Interprétation
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Le salaire comprend, en plus de la rémunération, tous les autres avantages ayant une valeur pécuniaire qui découlent du travail et des services rendus par un salarié. De plus, dès qu’un salarié reçoit une quelconque rémunération pour le travail effectué, peu importe qu’on l’appelle « boni », « commission », « récompense » ou autrement, il s’agit d’un salaire.
Toutefois, la prime du temps des fêtes représente généralement un cadeau et, à ce titre, elle ne peut faire partie du salaire, contrairement à d’autres sommes versées par l’employeur en considération de la productivité, du rendement au travail ou pour une autre raison.
Cependant, il faut noter que la compétence de la Commission quant aux réclamations pour salaire est limitée. Ainsi, la Commission peut réclamer uniquement les avantages ayant une valeur pécuniaire qui résultent de l’application de la Loi sur les normes du travail ou de l’un de ses règlements. On trouve cette restriction à l’article 99 LNT.
Les avantages marginaux, consentis au salarié en remplacement d’une partie du salaire, entrent dans la définition de « salaire » au sens du paragraphe 9° de l’article 1 LNT ; par contre, les avantages marginaux qui dépendent d’événements ponctuels et dont le salarié ne bénéficiera pas nécessairement, comme les primes d’assurance dentaire et les primes d’assurance vie payées par l’employeur, ne sont pas du salaire. Voir l’interprétation de l’article 41 LNT sur le salaire minimum et les avantages ayant une valeur pécuniaire.
Les indemnités d’accident du travail, d’assurance automobile, d’assurance emploi et d’assurance salaire privée ne font pas partie du salaire au sens de la Loi sur les normes du travail.
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Jurisprudence
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Salaire
Trust Général du Canada c. Marois, [1986] R.J.Q. 1029 (C.A.)
La définition de salaire ne comprend pas uniquement le salaire direct que touche un salarié à chaque période de paie. Elle inclut toute prestation versée par l’employeur en contrepartie du travail, soit l’indemnité de vacances, les congés de maladie, les congés mobiles et le préavis de congédiement.
Deschamps c. École supérieure de danse de Québec, [1998] R.J.D.T. 1273 (C.T.). Requête en révision judiciaire rejetée (C.S., 1998-10-02), 500-05-043110-988
Le paiement du travail par le troc, en l’espèce travailler pour rembourser une dette, constitue un salaire.
Avantages
Leduc c. Habitabec inc., D.T.E. 90T-751 (T.A.). Décision confirmée par la Cour d’appel D.T.E. 94T-1240 (C.A.)
Le salaire inclut tous les avantages ayant une valeur pécuniaire qui sont dus en raison du travail exécuté ou des services rendus.
Commissions
J.B. Charron ltée c. Commission du salaire minimum, [1980] R.P. 147 (C.A.)
Commission des normes du travail c. Des Cormiers, D.T.E. 99T-412 (C.Q.)
Commission des normes du travail c. 133879 Canada inc., D.T.E. 99T-667 (C.Q.)
Les commissions sont une rémunération constituant un salaire. La Loi sur les normes du travail s’applique même si une personne est rémunérée entièrement à commission.
Partages des profits/dividendes
Commission des normes du travail c. RBC Dominion valeurs mobilières inc., D.T.E. 94T-707 (C.S.)
La rémunération peut revêtir diverses formes. Les primes ou encouragements financiers accordés aux salariés sous forme de participation au partage des profits constituent une partie du salaire.
Visionic inc. c. Michaud, D.T.E. 82T-30 (C.S.). Appel rejeté (C.A., 1982-03-03), 200-09-000873-817
Rien n’empêche un actionnaire de recevoir un salaire. Des dividendes versés à titre de rémunération en contrepartie d’un travail peuvent être un salaire déguisé, comme en l’espèce. Le salarié a continué d’effectuer le même travail que par les années passées, les dividendes versés sont équivalents au salaire payé pendant ces années et le fait de verser le salaire sous forme de dividendes n’est motivé que par des considérations fiscales.
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- « personne salariée » :
une personne qui travaille pour un employeur et qui a droit à un salaire; cette expression comprend en outre le travailleur partie à un contrat en vertu duquel :- il s'oblige envers une personne à exécuter un travail déterminé dans le cadre et selon les méthodes et les moyens que cette personne détermine;
- il s'oblige à fournir, pour l'exécution du contrat, le matériel, l'équipement, les matières premières ou la marchandise choisis par cette personne, et à les utiliser de la façon qu'elle indique;
- il conserve, à titre de rémunération, le montant qui lui reste de la somme reçue conformément au contrat, après déduction des frais d'exécution de ce contrat.
- il s'oblige envers une personne à exécuter un travail déterminé dans le cadre et selon les méthodes et les moyens que cette personne détermine;
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Interprétation
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Il convient de souligner que cette définition est beaucoup plus large que celle que l’on trouve au Code du travail ; elle englobe donc un très grand nombre de travailleurs. Plus particulièrement, même les travailleurs « cadres » sont considérés comme des salariés au sens de la loi.
La définition du mot salarié comporte deux parties importantes. La première établit qu’un salarié est une personne qui effectue des travaux pour un employeur et qui a droit à un salaire. Il s’agit ici d’un contrat entre une personne physique qui loue ses services et une autre personne (physique ou morale) qui, elle, accepte cette location de services en échange d’une rémunération. On constate dans cette relation la présence des éléments suivants : existence d’une position d’autorité, fixation d’un cadre de travail, dépendance économique liée à la source de revenus (subordination juridique). Ce contrat peut être écrit ou verbal. C’est la compréhension du salarié classique.
Il ne peut y avoir de contrat de travail sans une contrepartie, une rémunération à laquelle s’oblige l’employeur. En ce sens, le contrat de travail s’oppose au bénévolat. La Loi sur les normes du travail ne nie cependant pas l’existence du travail bénévole. Ce point est approfondi à l’interprétation de l’article 40 LNT.
La jurisprudence a établi que les commissions constituent un mode de rémunération qui entre dans le cadre de la définition de salaire au sens de la Loi sur les normes du travail et que ce mode de rémunération n’a pas pour effet d’exclure un travailleur ainsi payé de la définition de salarié.
La deuxième partie de la définition vise le travailleur partie à un contrat de travail, incluant les éléments énumérés aux sous-paragraphes i, ii, iii, c’est-à-dire une personne qui présente le degré d’autonomie de l’entrepreneur dépendant. L’entrepreneur dépendant est celui qui, bien que bénéficiant d’une subordination juridique moins étroite que celle du salarié classique, demeure intimement lié à un employeur en ce qu’il en est directement dépendant économiquement.
Pour déterminer si l’on est en présence d’un salarié ou non, il faut voir si le contrat en question est un contrat de travail ou un contrat d’entreprise. Le contrat de travail doit comporter les éléments de location de services et de rémunération convenus, alors que le contrat d’entreprise se caractérise principalement par son caractère indépendant quant à l’exécution du travail et par les notions de profits et pertes dans l’accomplissement du contrat. En fait, pour qu’il y ait un contrat d’entreprise, il ne doit exister aucun lien de subordination juridique au sens des éléments mentionnés précédemment.
Lorsque les conditions du contrat de travail (verbal ou écrit) font en sorte qu’un travailleur puisse perdre de l’argent ou faire des profits, l’application de la notion de profits et pertes élaborée par la jurisprudence devient déterminante. En effet, si le risque financier est réel pour le travailleur, ce dernier est travailleur autonome et, dès lors, non assujetti à la loi.
Un travailleur peut bénéficier des avantages de certaines lois (impôts) à titre de travailleur autonome ou autrement et être considéré comme étant salarié en vertu de la Loi sur les normes du travail.
Salarié incorporé ou ayant une raison sociale
Pour déterminer le statut du travailleur qui s’incorpore ou qui enregistre une raison sociale, certains critères supplémentaires particuliers à cette situation devront être pris en considération :
- L’employeur a-t-il rendu obligatoire cette façon de faire ?
- Quel bénéfice en retire l’employeur ?
- Quel bénéfice en retire le travailleur ?
- À quelles fins ce statut est-il utile au travailleur ?
- Le travailleur connaissait-il les implications de l’incorporation ou de l’enregistrement de la raison sociale ?
- Tous les travailleurs de l’entreprise ont-ils procédé de la même façon ?
La Cour d’appel a eu à se prononcer sur cette question à quelques reprises, notamment dans les affaires suivantes :
- Dazé c. Messageries dynamiques, D.T.E. 90T-538 (C.A.)
- Lalande c. Provigo Distribution inc., D.T.E. 98T-1059 (C.A.)
- Leduc c. Habitabec inc., D.T.E. 94T-1240 (C.A.)
- Services financiers F.B.N. inc. v. Chaumont, [2003] R.J.D.T. 17 (C.A.)
Depuis le 1er mai 2003 l’article 86.1 LNT prévoit qu’un salarié a droit au maintien de son statut de salarié lorsque les changements que l’employeur apporte au mode d’exploitation de son entreprise n’ont pas pour effet de modifier ce statut en celui d’entrepreneur indépendant (voir l’interprétation de l’article 86.1 LNT à ce sujet).
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Jurisprudence
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Salarié
Ordre des arpenteurs-géomètres du Québec c. Poulin, D.T.E. 99T-670 (C.S.)
Commission des normes du travail c. Immeubles Terrabelle inc., [1989] R.J.Q. 1307 (C.Q.)
La notion de salarié comporte trois éléments essentiels :
- une prestation de travail ;
- une rémunération ; et
- un lien de subordination.
Commission des normes du travail c. Paquette, [2000] R.J.D.T. 169 (C.Q.)
La jurisprudence a dégagé plusieurs facteurs servant d’indicateurs de la présence d’un salarié. Aucun de ces facteurs n’est déterminant en soi, mais la présence d’un grand nombre permet de conclure au statut de salarié :
- Rémunération en contrepartie d’une prestation de travail ;
- Existence d’un minimum de liens de subordination ;
- Subordination – dépendance économique ;
- Absence de risque de perte pour le travailleur ;
- Absence de possibilité pour le travailleur de faire des profits ou d’entrer en concurrence ;
- Absence de libre choix des moyens d’exécution du travail ou subordination du travailleur quant à l’exécution de son travail, celui-ci s’accomplissant dans le cadre établi par le donneur d’ouvrage ;
- Acceptation par le travailleur d’être intégré dans l’entreprise ;
- Existence d’un encadrement prévoyant la présence obligatoire à un lieu de travail, l’imposition de règles de conduite et d’un horaire de travail ;
- Absence d’autorité pour engager ou congédier du personnel ;
- Devoir du travailleur de fournir un rendement soutenu à la satisfaction d’une autre personne ;
- Absence de possibilité pour le travailleur de se faire remplacer par quelqu’un d’autre pour l’exécution d’une partie du contrat ;
- Façon dont l’embauche et le congédiement sont faits ;
- Obligation d’avertir en cas d’absence ;
- Obligation de dresser un rapport journalier, hebdomadaire ou mensuel ;
- Conduite adoptée vis-à-vis de l’assurance emploi, de la Régie des rentes, des plans d’assurance maladie et des lois fiscales ;
- Devoir de loyauté et de discrétion du travailleur en ce qui concerne les choses qu’il apprend dans l’exécution de son travail ;
- Mode de rémunération du travail exécuté ;
- Les fournitures, instruments de travail et installations sont la propriété du donneur d’ouvrage ;
- En cas d’erreur, de faute ou de négligence de la part du travailleur, la responsabilité est attribuée à l’employeur, non au travailleur ;
- Les services sont exclusifs au donneur d’ouvrage ;
- Les services sont rendus au nom du donneur d’ouvrage ;
- Les clients paient les services au donneur d’ouvrage ;
- La clientèle appartient au donneur d’ouvrage.
Commission des normes du travail c. Paquette, [2000] R.J.D.T. 169 (C.Q.)
Lamarche c. Service d’interprétation visuelle et tactile, [1998] R.J.D.T. 722 (C.T.)
La notion de subordination juridique doit être interprétée largement et libéralement, de façon à s’adapter à l’évolution du monde du travail. Certaines professions, comme celles de dentiste et d’interprète (traducteur), comportent un haut niveau d’autonomie et ne permettent plus une surveillance directe de l’employeur. Cela n’empêche toutefois pas ces professionnels d’être des salariés. La subordination doit alors s’interpréter comme le fait d’exécuter le travail dans le « cadre » tracé par l’employeur et pour le bénéfice de celui-ci.
Cadre
Belpaire c. Trace créative inc., D.T.E. 94T-340 (C.T.)
Commission des normes du travail c. Fleur de lys tennis, raquetball, squash inc., [1986] R.J.Q. 1502 (C.P.)
Comme la définition de salarié contenue au paragraphe 10 de l’article 1 LNT concerne une personne qui travaille pour un employeur moyennant rémunération, les cadres sont inclus dans cette définition. Toutefois, le paragraphe 6 de l’article 3 LNT exclut les « cadres supérieurs » de l’application de la loi, sauf pour certaines normes qui sont précisées dans le même article (art. 3, paragr. 6) et à l’article 3.1 LNT.
Travailleur autonome
Boucher c. Commission scolaire de l’Énergie, D.T.E. 2003T-443 (C.R.T.)
Révision judiciaire rejetée, D.T.E. 2005T-65 (C.S.)Le plaignant travaille à titre de consultant, il est payé à commission, paie les frais de bureau, de secrétariat, de mauvaises créances et de déplacement. Toutefois, le commissaire conclut qu’il s’agit d’un salarié, puis qu’il existe un lien de contrôle et de subordination entre les parties. Le plaignant doit informer l’employeur de la date de ses congés annuels, de ses déplacements et parfois même requérir son autorisation. Il bénéficie de programmes de formation et l’employeur met à sa disposition les fournitures de bureau.
Commission des normes du travail c. Combined Insurance Company of America, [2008] R.J.D.T. 1113 (C.Q.). Désistement d'appel (C.A., 2010-01-29), 500-09-019023-084
La plaignante était gérante des ventes pour une compagnie d’assurances. Les deux parties étaient liées par un contrat stipulant que la plaignante était un entrepreneur indépendant. Le tribunal a conclu que la plaignante était une salariée au sens de la Loi sur les normes du travail aux motifs suivants : la clientèle appartient à l’employeur, les services sont fournis en exclusivité, la plaignante n’a pas de chance de profit ni risque de perte. De plus, elle doit faire rapport de ses ventes et de celles de son équipe plusieurs fois par semaine. Elle doit aviser son supérieur en cas d’absence et l’employeur choisit le remplaçant. L’employeur fixe des objectifs de ventes et impose des mesures disciplinaires.
Commission des normes du travail c. Sanitation du Québec M.M. inc., D.T.E. 97T-75 (C.Q.)
Le fait que le contrat qui lie un vendeur à commission à l’employeur contienne une disposition voulant qu’il soit un travailleur autonome n’empêche pas que le vendeur soit considéré comme un salarié au sens de la Loi sur les normes du travail. En l’espèce, le vendeur est un salarié, puisque son employeur exerce un contrôle sur son travail.
Lalande c. Provigo Distribution inc., D.T.E. 98T-1059 (C.A.)
En devenant franchisé, le plaignant est devenu l’actionnaire unique et le directeur d’une société, en l’espèce un supermarché. Il ne peut pas être son propre employé et il ne peut avoir conservé le statut de salarié. Considérant la situation actuelle, il ne peut pas invoquer avoir conservé son statut de salarié par le biais de la continuité de l’application des normes, prévue à l’article 97 LNT.
Entrepreneur dépendant
Pétroles inc. et Pétroles Irving inc. c. Syndicat international des travailleurs des industries pétrolières, chimiques et atomiques, sections locales 9-700 à 9-704, [1979] T.T. 209
La compagnie pétrolière met à pied les chauffeurs de camion qui livrent ses produits pour les remplacer par des distributeurs indépendants. Afin de conserver leur emploi, les chauffeurs achètent les camions et signent un contrat de distribution, dans lequel ils se reconnaissent entrepreneurs indépendants. Le tribunal souligne qu’être entrepreneur est une question économique, puisque l’entrepreneur réunit différents éléments de production en vue de faire des profits. Une personne dont le revenu est basé sur le rendement et qui est propriétaire de ses outils de travail n’est donc pas automatiquement un entrepreneur et peut être un salarié. En l’espèce, les distributeurs ont une très grande latitude dans l’exécution de leurs tâches, mais ils ne font que la livraison de produits fabriqués par la compagnie de pétrole et ils ne peuvent pas livrer d’autres produits. Ils n’embauchent pas de main-d’œuvre, sinon de façon marginale. Ils ne possèdent pas d’établissements ni de moyens de production. Ils ne sont en concurrence avec personne et dépendent de l’existence d’un contrat avec la compagnie pétrolière. Ils sont donc des entrepreneurs dépendants et conservent le statut de salariés.
Venti-DeMoulin et Lamothe (Auberge Beaux Rêves et Spa), 2017 QCTAT 3710
La plaignante offre les seuls soins esthétiques affichés par l’Auberge et uniquement aux clients de cette dernière. Elle encourt un certain risque de pertes lorsqu’il n’y a aucun client durant ses heures de disponibilité et sa rémunération risque d’augmenter en présence d’une demande accrue. Dans les deux cas, la plaignante demeure dépendante de l’Auberge. La plaignante était une entrepreneure dépendante dont la relation avec l’Auberge était caractérisée par un lien de subordination juridique. Le Tribunal conclut que la plaignante était une salariée.
Lessard c. Montre international Célébrité inc., D.T.E. 2007T-177 (C.R.T.)
Le plaignant est vendeur pour une compagnie de montres. L’entreprise décide de l’inventaire, des prix et des rabais qu’elle peut consentir aux clients. Elle contrôle aussi l’exécution du travail du plaignant. Le plaignant n’a pas la possibilité de faire des profits ni ne risque de subir des pertes. Le fait que les commissions sont versées par l’entremise d’une dénomination sociale enregistrée, que l’intimée remet au plaignant un relevé T4-A à des fins fiscales et que le nom de ce dernier n’apparaît pas au registre des employés ne modifie pas le statut de salarié.
Renaud c. Gestion D.M. Roy inc., D.T.E. 2004T-509 (C.R.T.)
Le plaignant pose des carreaux de céramique pour une entreprise de vente et d’installation de couvre-sols. Il est enregistré sous une raison sociale et est payé par le truchement d’un système de facturation. Il est libre de choisir ses méthodes de travail et ses horaires, il utilise ses propres outils de travail et il n’est pas obligé de porter de vêtements portant le nom de l’employeur. Il est tout de même un salarié, puisqu’il est un « entrepreneur dépendant ». Il est tenu à une prestation personnelle de travail et l’employeur détermine le travail général à exécuter, tout en exerçant un certain encadrement par la vérification des factures qui lui sont adressées.
Salarié incorporé
Services financiers F.B.N. inc. c. Chaumont, [2003] R.J.D.T. 17 (C.A.)
Au même effet voir : Commission des normes du travail c. Produits Star Appetizing inc., C.Q., Montréal, no 500-22-111254-051 et no 500-22-111910-058, 21 juin 2007, j. Desmarais. Confirmé en appel (C.A., 2008-12-02), 500-09-017897-075 et 500-09-017902-073
Le salarié, qui travaille pour une compagnie de services financiers, décide de constituer une société pour bénéficier d’avantages fiscaux. Les parties s’entendent pour conclure un contrat tripartite (le salarié – sa société – la compagnie de services financiers). Ce contrat précise que la société ne peut traiter qu’avec la compagnie de services financiers, et ce, uniquement par l’intermédiaire du salarié. Toujours en vertu du contrat, le salarié ne peut travailler qu’au profit de la compagnie de services financiers et il prend à son compte toutes les obligations que contracte sa société. La Cour conclut que la société n’est qu’un paravent et une boîte aux lettres servant de partage pour les commissions et que, dans les faits, le salarié n’agissait pas par l’entremise de sa société, mais bien personnellement. En l’espèce, le fait que le salarié se soit constitué en société ne modifie pas son statut de salarié.
Paiement c. Dicom Express inc, [2007] R.J.D.T. 982 (C.S.). Appel accueilli pour d'autres motifs (C.A., 2009-03-31), [2009] R.J.D.T. 453
Le plaignant agit à titre de messager, il effectue des livraisons de lettres et de colis pour l’entreprise. L’obligation de constitution d’une compagnie comme condition d’emploi ne saurait masquer le lien de subordination. En effet, les routes desservies prédéterminées restaient en tout temps la propriété exclusive de l’entreprise. Le coût des services facturés à la clientèle ainsi que les grilles de rémunération des messagers étaient aussi déterminés par l’employeur. L’entreprise exigeait l’exclusivité du service pour tous ses messagers, elle assurait le contrôle et le suivi sur les délais de livraison. Le plaignant est un salarié.
Alexandre c. École Vanguard Québec ltée, D.T.E 2007T-691 (C.S.). Règlement hors
cour (C.A., 2008-05-16), 500-09-017998-071La plaignante, directrice générale d’une école privée, a demandé, lors du renouvellement de son contrat de travail, que son statut de salariée soit modifié en celui de travailleuse autonome afin de lui permettre de bénéficier d’avantages fiscaux. Les parties s’entendent pour verser le salaire de la plaignante à une entité commerciale créée par elle. Dans les faits, les tâches de la plaignante demeurent les mêmes et, surtout, le lien de subordination entre le C.A. (conseil d’administration) et elle ne change pas. Il n’y a pas de changement dans les conditions de travail, seulement une modification du mode de rémunération.
Venne c. Industries Westroc ltée, [2003] R.J.D.T. 797 (C.R.T.)
La différence entre un contrat d’entreprise et un contrat de travail est la présence d’un lien de subordination. Le fait qu’à la demande de l’employeur le plaignant signe le contrat par l’intermédiaire de sa compagnie n’est pas déterminant. L’entrepreneur doit avoir le libre choix des moyens d’exécution du contrat, ce qui n’est pas le cas en l’espèce. Le plaignant ne se comportait pas en entrepreneur et le fait que l’employeur ait retenu ses services par l’entremise d’une personne morale visait uniquement à contourner le statut de salarié défini à la Loi sur les normes du travail.
Maréchal c. Quebecor Média inc. (Québec Livres), [2003] R.J.D.T. 319 (C.R.T.)
L’employeur abolit le poste du plaignant et suggère à ce dernier de se constituer en société et d’agir à titre d’agent distributeur, ce qu’il accepte. Le plaignant signe personnellement la convention de sous-distribution exclusive et il se porte personnellement caution. Le plaignant conserve le statut de « salarié », puisque le lien de subordination juridique et économique subsiste entre les parties. Il a une obligation d’exécution personnelle, l’employeur contrôlant l’exécution de son travail (réunions, cartes professionnelles, bons de commande, budgets de vente, fréquence des visites aux clients, facturation, prix, escomptes et rapports d’activités). Le plaignant n’a aucune possibilité de faire des profits ou de subir des pertes et il n’a aucun autre client.
Leduc c. Habitabec inc., D.T.E. 90T-751 (T.A.). Décision confirmée par la Cour d’appel D.T.E. 94T-1240 (C.A.)
À la demande de l’employeur, le plaignant accepte de se constituer en société afin de préserver son lien d’emploi. Il continue à faire le même travail aux mêmes conditions, mais les chèques de paie sont maintenant rédigés à l’ordre de sa compagnie. Il assiste aux réunions convoquées par l’employeur, qui exerce un contrôle sur son travail. Bien qu’il dispose d’un horaire flexible, qu’il travaille à son domicile et qu’il ait d’autres clients, le plaignant est tenu de fournir personnellement un rendement vérifiable pour obtenir son salaire. Il ne perd donc pas son statut de salarié.
Consultant
Commission des normes du travail c. 9088-8454 Québec inc., D.T.E. 2004T-1020 (C.Q.)
L’employeur fournit des services informatiques à sa clientèle. Le plaignant est embauché à titre de consultant en informatique pour aller rendre des services informatiques chez les clients de l’employeur. Les conditions de travail du salarié peuvent laisser croire à un contrat d’entreprise, mais ce n’est pas le cas puisqu’il existe un lien de subordination. L’employeur détermine les horaires, les tâches et les lieux de travail du salarié. Il lui fournit les outils de travail et les services sont rendus en son nom. Par ailleurs, le plaignant n’a aucune chance de profit ni aucun risque de perte. Il est donc un salarié.
Statut fiscal
North American Automobile Association Ltd. c. Commission des normes du travail, D.T.E. 93T-429 (C.A.)
Leduc c. Habitabec inc., D.T.E. 90T-751 (T.A.). Décision confirmée par la Cour d’appel D.T.E. 94T-1240 (C.A.)
Le statut fiscal d’une personne n’est pas déterminant quant au statut de salarié. L’interprétation des termes « salarié » et « entrepreneur » selon les lois fiscales ne correspond pas à celle qui est donnée en vertu de la Loi sur les normes du travail, en raison des buts différents visés par ces lois.
Lessard c. Montre international Célébrité inc., D.T.E. 2007T-177 (C.R.T.)
Le plaignant est vendeur pour une compagnie de montres. L’entreprise décide de l’inventaire, des prix et des rabais qu’elle peut consentir aux clients. Elle contrôle aussi l’exécution du travail du plaignant. Le plaignant n’a pas la possibilité de faire des profits ni ne risque de subir des pertes. Le fait que les commissions sont versées par l’entremise d’une dénomination sociale enregistrée, que l’intimée remet au plaignant un relevé T4-A à des fins fiscales et que le nom de celui-ci n’apparaît pas au registre des employés ne modifie pas son statut de salarié.
Commission des normes du travail c. 9088-8454 Québec inc., D.T.E. 2004T-1020 (C.Q.)
Le fait que le salarié se déclare « travailleur autonome » dans sa déclaration de revenus n’est pas un critère déterminant pour décider s’il possède le statut de salarié, puisque les lois fiscales ne s’appuient pas sur les mêmes critères que les lois du travail. En l’espèce, le plaignant, engagé à titre de consultant, est un salarié.
Statut emploi assurable
Commission des normes du travail c. Produits Star Appetizing inc., (C.Q.) Montréal, 2007-06-21, no 500-22-111254-051 et no 500-22-111910-058, j. Desmarais. Confirmé en appel (C.A., 2008-12-02), 500-09-017897-075 et 500-09-017902-073
La décision rendue par la Cour canadienne de l’impôt, ayant à interpréter la Loi sur l’assurance emploi, ne revêt pas l’autorité de la chose jugée à l’encontre d’une instance relative à la détermination du statut de salarié en vertu de la Loi sur les normes du travail. Le tribunal n’est pas lié par cette décision et il doit procéder à sa propre analyse de la situation, en fonction des indices de contrôle, d’encadrement, de direction et de dépendance, en regard des notions de « cadre », « méthodes » et « moyens » énoncées au sous-paragraphe i du paragraphe 1 10o de la Loi sur les normes du travail.
- « semaine » :
une période de sept jours consécutifs s'étendant de minuit au début d'un jour donné à minuit à la fin du septième jour;
- « service continu » :
la durée ininterrompue pendant laquelle la personne salariée est liée à l'employeur par un contrat de travail, même si l'exécution du travail a été interrompue sans qu'il y ait résiliation du contrat, et la période pendant laquelle se succèdent des contrats à durée déterminée sans une interruption qui, dans les circonstances, permette de conclure à un non-renouvellement de contrat.
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Interprétation
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Le service continu est la période au cours de laquelle le salarié est considéré comme étant au service de son employeur. Il y a donc service continu même si le salarié s’absente par exemple à l’occasion d’un congé payé, d’un congé sans solde, d’un congé de maladie, d’une grève, d’un lock-out ou d’un accident de travail. Il est à remarquer que le service continu n’est pas interrompu par l’aliénation ou la concession totale ou partielle d’une entreprise (voir l’interprétation de l’article 97 LNT).
Il faut distinguer la notion de service continu, inscrite dans la loi, de celle de l’ancienneté, qui est généralement liée à l’application d’une convention collective. Ainsi, il peut être établi par convention que l’ancienneté se calculera, par exemple, en heures ou selon des dates précises en vue de l’accès à des privilèges ou à des droits résultant de la convention elle-même, alors que le service continu correspond à la période sans interruption de service du salarié.
Le principal objectif de la notion de service continu est de maintenir le lien d’emploi lorsque surviennent certains événements qui ont pour effet d’interrompre la prestation de travail du salarié chez son employeur sans pour autant briser le lien contractuel.
Le service continu s’apprécie au moment où un droit prévu par la Loi sur les normes du travail s’applique au salarié.
Contrat à durée déterminée
Le service continu s’accumule également pendant la période au cours de laquelle se succèdent des contrats à durée déterminée, à la condition toutefois qu’on ne puisse conclure à un non-renouvellement de contrat lors d’une interruption de travail pendant cette période.
La preuve du non-renouvellement du contrat incombe à l’employeur, lequel devra démontrer que l’interruption du travail a découlé de la fin, de l’extinction du contrat de travail, de la rupture du lien d’emploi et que c’est à la suite de la conclusion d’un nouveau contrat, distinct, que le salarié est revenu au travail.
Il s’agit là de la confirmation législative d’un principe déjà établi par la jurisprudence selon laquelle un ensemble de contrats successifs à durée déterminée peut constituer un seul contrat à durée indéterminée.
Travailleur saisonnier
Pour établir le service continu, dans le cas du travailleur saisonnier, il faut considérer l’intention véritable des parties de « continuer le contrat » d’année en année. Il ne suffit pas alors de « mentionner » qu’il s’agit chaque année d’un nouveau contrat ; on doit considérer l’intention réelle des parties.
Les éléments suivants devraient notamment être pris en considération :
- Qu’indique le relevé d’emploi ?
- Quel est le nombre de « saisons » travaillées ?
- Les parties ont-elles eu des discussions relativement à la durée de l’emploi et aux possibilités de retour au travail ?
- Le salarié s’interroge-t-il sur la possibilité de son retour au travail ou simplement sur la date de ce retour ?
- L’employeur procède-t-il à une séance d’entrevue tous les ans ou s’il reprend à son emploi systématiquement les mêmes personnes ?
- Les salariés doivent-ils soumettre leur candidature chaque année ?
- La durée du travail au cours d’une saison n’est pas en soi un critère déterminant pour établir le service continu. Cependant, la durée est-elle suffisamment longue pour justifier le caractère « continu » du lien d’emploi ?
- Observe-t-on la volonté commune des parties de poursuivre le contrat de travail ?
L’ensemble des faits doit être pris en considération pour établir s’il y a ou non service continu. Aucun de ces éléments pris individuellement ne peut être déterminant.
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Jurisprudence
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Service continu
Produits Petro-Canada inc. c. Moalli, [1987] R.J.Q. 261 (C.A.)
Corriveau c. Résidence St-Philippe de Windsor, [1997] C.T. 464
La notion de service continu, au sens des articles 97 et 124 LNT, est rattachée à l’entreprise.
Commission des normes du travail c. IEC Holden inc., D.T.E. 2014T-629 (C.A.). Demande de pourvoi à la Cour suprême rejetée (C.S. Can.,2015-04-18), 31635
La Cour d’appel a reconnu qu’une succession de contrats de travail à durée déterminée peut être considérée comme un seul
contrat de travail à durée indéterminée lorsque cela reflète l’intention des parties. Elle infirmait donc la décision de la Cour
supérieure qui avait donné raison à l’employeur.
Aliénation ou concession d'entreprise
Produits Petro-Canada inc. c. Moalli, [1987] R.J.Q. 261 (C.A.)
Lorsque l’article 97 LNT s’applique, le service continu s’accumule malgré l’aliénation ou la concession totale ou partielle de l’entreprise. Par l’effet de l’article 97, le salarié est réputé avoir travaillé pour un seul et même employeur, même lorsqu’il y a aliénation d’entreprise.
Travail saisonnier
Fruits de mer Gascons ltée c. Commission des normes du travail, [2004]
R.J.D.T. 437 (C.A.)La façon dont les salariés sont embauchés et dont leurs contrats de travail sont renouvelés est intimement liée à l’organisation et à la nature de l’entreprise. En l’espèce, l’employeur est une usine de transformation du crabe qui fonctionne chaque année d’avril à juillet. L’employeur rappelle les salariés au travail à chaque printemps selon leur ancienneté, puis leur remet un relevé d’emploi à la fin de la saison, comportant la mention « retour non prévu ». L’employeur ne peut fonctionner sans ces salariés, et il est clair qu’il désire faire appel à eux sur une base périodique et régulière, selon un plan compris et accepté de tous. Il y a une constance qui justifie la reconnaissance du maintien du lien contractuel, donc du service continu, malgré l’interruption régulière dans l’exécution du travail.
Commission des normes du travail c. Commission des écoles catholiques de Québec, D.T.E. 95T-887 (C.A.)
Ménard c. Collège Maisonneuve, D.T.E. 99T-415 (C.T.)
Le service continu s’accumule, malgré la suspension de la prestation de travail entre les contrats à durée déterminée, lorsque cette suspension est due à la nature du travail (par exemple la période scolaire). Pour que la relation employeur-employé subsiste, il suffit qu’il y ait une succession de contrats à durée déterminée pendant ces années, même si certaines périodes ne sont pas couvertes par des contrats.
Société d’électrolyse et de chimie Alcan ltée c. Commission des normes du travail, D.T.E. 95T-448 (C.A.)
Lorsque le salarié demeure disponible pour combler certains besoins particuliers de l’employeur, le service continu s’accumule, malgré la durée plus ou moins longue entre les appels au travail. Il existe alors une relation employeur-employé basée sur l’offre de la disponibilité du salarié, sur laquelle l’employeur compte pour combler ses besoins particuliers. Le lien d’emploi est alors maintenu par la disponibilité du salarié.
Technologies industrielles S.N.C. inc. c. Vaillancourt, D.T.E. 2001T-294 (C.A.)
Commission des normes du travail c. Commission des écoles catholiques de Québec, D.T.E. 95T-887 (C.A.)
Lepage c. Commission scolaire des Premières Seigneuries, D.T.E. 2001T-631 (C.T.)
Lorsqu’un contrat est provisoire par sa nature même, le service continu ne s’accumule pas d’un contrat à l’autre. C’est le cas notamment des contrats de suppléance visant à remplacer des professeurs absents. C’est aussi le cas de certains autres contrats temporaires (surplus de production, remplacement d’un salarié absent), où le processus d’embauche et de fin d’emploi est appliqué pour accorder chaque contrat particulier et où l’employeur n’est pas tenu et n’a pas l’intention de rappeler le salarié au travail.
Relevé d'emploi
Restaurant Dunns inc. c. Jeanson, D.T.E. 90T-1029 (T.A.). Requête en évocation rejetée (C.S., 1990-10-24), 500-05-009920-909
L’émission d’un relevé d’emploi pour cause de maladie et le paiement des vacances accumulées ne rompent pas le service continu. L’employeur n’a pas donné le préavis requis à l’article 82 LNT et la salariée était en attente de son retour au travail, prévu à une date précise.
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Absence temporaire ou permanente
Les personnes visées au paragraphe 3° du premier alinéa continuent de cohabiter malgré l’absence temporaire de l’une d’elles. Il en va de même si l’une d’elles est tenue de loger en permanence dans un autre lieu en raison de son état de santé ou de son incarcération, sauf si la personne salariée cohabite avec un autre conjoint au sens de ce paragraphe.
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Interprétation
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La notion de cohabitation des conjoints vise aussi les salariés dont le conjoint est absent pour les raisons mentionnées. C’est le cas des conjoints hospitalisés ou incarcérés en permanence et des conjoints absents temporairement, que ce soit pour leur travail dans une autre région ou à l’étranger ou pour toute autre absence temporaire. Ces salariés ont droit aux mêmes congés et absences, et au même droit de refus de travailler au-delà des heures habituelles de travail en raison de leurs obligations familiales que les conjoints qui font vie commune. Ces conjoints ne doivent cependant pas cohabiter avec un autre conjoint.
1979, c. 45, a. 1; 1981, c. 9, a. 34; 1990, c. 73, a. 1; 1992, c. 44, a. 81; 1994, c. 12, a. 49; 1996, c. 29, a. 43; 1999, c. 14, a. 15; 2002, c. 6, a. 144; 2008, c. 30, a. 1; 2015, c. 15, a. 173; 2022, c. 22 a.152.